▲ IL ÉTAIT UNE FOIS... ▼
° Passé :
Il y a un chant endormi dans toutes choses qui rêvent sans fin et le monde se mettra à chanter, si tu trouves le maître mot.
Tout avait commencé sur une erreur...
Il était né comme une erreur.
Nathaniel naquit un jour pluvieux de janvier 1916 et bien avant sa naissance, il avait déjà été l'objet de nombreux conflits entre ses parents. Sa mère bien-aimée souhaitait fonder une famille, mais son père estimait qu'élever un enfant ne serait qu'un poids et un coût supplémentaire dans leur vie déjà bien misérable. Cela ne l'empêchait évidemment pas de faire très souvent l'amour à sa femme, estimant que tant qu'ils prenaient leurs précautions, il n'y avait rien à craindre, pour une naissance future. Cependant, un jour, il lui fallut bien admettre que ce n'était pas normal que le ventre de son épouse soit aussi gros.
Erreur de parcours ?
Accident prémédité ?
Là où il n'y a pas de véritable preuve, il ne peut y avoir que des accusations non dites.
L'enfant fini donc par voir le jour et pousser son premier cri entre quatre murs étroits et sales. Sa mère eut beaucoup de mal à se remettre de l'accouchement, qui s'ensuivit d'une très longue fièvre et d'une grave carence. La jeune femme ne put plus jamais aller travailler comme avant, devant en plus s'occuper du bébé, qu'elle peinait à allaiter et qui était chaque jour un peu plus maigre.
Miraculeusement, les deux survécurent, mais la misère qui les accablaient étée encore bien plus lourde qu'à l'époque où ils n'étaient que deux. Il y avait une troisième bouche à nourrir et le salaire seul du père ne pouvait être suffisant pour les alimenter tous. Aussi un jour sur trois, quelqu'un ne mangeait pas, la mère sautant souvent son tour pour tenter de faire conserver à son fils, une croissance normale. Mais le petit déjà bien malingre, vit sa condition empirer. Il n'était pas très joli avec ses cernes, ses cheveux blonds sales et délavés, son teint cireux et ses joues creuses. On aurait pu croire que Nathaniel se trouvait à cette époque déjà, aux portes de la mort.
Souvent, lorsque son père ne supportait plus toute la pression pesant sur ses épaules, il frappait ce fils dont il n'avait pas voulu. Oh, pas très fort, ni très longtemps, car il était trop lâche pour ça. Mais la marque resta, provoquant chez le petit garçon peur et tristesse, sans jamais lui apprendre le respect. C'est sa tendre mère, qui derrière, tenta comme elle pu de rattraper les morceaux. Elle adorait évidemment son enfant, cependant elle aimait aussi profondément son mari, avec ses qualités, comme ses défauts. Elle était douce et gentille, mais le problème était bien là, elle ne savait qu'aimer et n'était pas capable de protéger ou de défendre. Et, il est bien connu que l'amour ne peut pas tout sauver, ni guérir. On ne soigne pas des vieilles plaies infectées avec de l'amour, trop d'amour étouffe le reste. Comme trop d'eaux finies par noyer la plante qu'on arrose.
Quand l'enfant atteint l'âge de 8 ans, sa génitrice adorée se décida tout de même à aller retrouver un travail, pas un travail à temps plein bien sûr, mais un petit quelque chose lui permettant d'arrondir leur fin de mois. De toute façon, le petit Nath suivait des cours clandestins avec un autre groupe d'enfants du quartier, elle avait donc moins besoin de le surveiller. Et c'était aussi pour pouvoir un peu remercier l'instituteur improvisé qu'elle faisait cela. Leur vie s'améliora légèrement à partir de ce moment, bien que les assiettes ne soient pas pleines, chacun pouvait manger tous les jours, à présent. Et la colère du père de Nathaniel diminua peu à peu. Mais la véritable raison à cela était ailleurs.
L'enfant en reprenant de la santé et un poids plus raisonnable, devenait...beau. Un bien bel enfant avec des yeux magnifiques, il suffirait d'enlever un peu la crasse et le tour serait joué. Le mari ordonna donc à sa femme de laver, le plus souvent qu'ils leur étaient permis, leur fils. Afin qu'il ressemble à quelque chose de présentable, disait-il, et son épouse ne chercha pas à discuter cette idée soudaine. Après tout, elle espérait tellement qu'un jour son cher et tendre s'intéresse à leur enfant, elle ne voyait évidemment pas l'intérêt planer derrière ses intentions et l'enfant, lui, ne voyait ici qu'un moyen de passer plus de temps avec sa mère. Tout le monde était donc satisfait de cette nouvelle lubie.
Mais en réalité, le paternel de Nathaniel avait simplement décidé de faire de celui-ci un favori, et il avait simplement arrêté de le frapper pour ne pas risque de laisser de vilaines marques sur son visage ou son corps.
Il ne lui restait plus que le don...
Le timbre de la voix nourrit l'imagination. La voix, c'est le début de l'intimité, on habille mieux l'image qu'on s'est fabriquée.
Ce cadeau du ciel jaillit quand l'enfant passa sa dixième année.
Nathaniel était dans une période où ses nuits étaient la plupart du temps, pleines de cauchemars et souvent sa mère devait aller le voir pour le consoler et lui chanter quelque chose. Hors cette nuit-là, la douce femme ne s'était pas réveillée, trop épuisé par les désirs de son mari et le petit s'était donc retrouvé à lutter tout seul, dans son coin. Et c'est une voix inconnue qui réveilla ses parents, qui eurent bien du mal à comprendre ce qui se passait. Leur enfant était là, a chanté, chanté parfaitement juste alors qu'il n'avait jamais poussé la chansonnette une seule fois avant. Mais là n'était pas l'exception, l'impensable était déjà dans sa voix en elle-même, elle montait et descendait, passant de voix d'homme mûr à celui d'enfant fragile, sautillant, dansant sur une partition invisible. Ce n'était pas des notes qui étaient murmurées, ce n'était pas comme sa mère qui chantait, non, c'était comme s'il y ait un instrument dans leur appartement miteux. C'était un véritable concert qui se jouait sous leurs yeux ébahis.
Nathaniel avait un don, une voix d'ange.
Et les yeux de son père se firent avides.
La dignité appartient à celui qui se satisfait de ce qu'il a et la misère à celui dont l'avidité est insatiable.
« Pourquoi mon fils devrait devenir un favori, je ne veux pas ! »
« Nous ne pouvons pas le garder indéfiniment avec nous, pense-y un peu, tu le vois travailler dans une usine . Et bien pas moi ! »
« S'il devient favori, je ne le verrais plus ! »
« Pense que c'est pour lui, il ne pourra jamais rêver meilleure vie que celle d'un favori et peut-être pourrons-nous en tirer une petite compensation. »
« Je ne donnerais pas mon fils pour une grosse somme d'argent, tu n'es même pas sûr qu'ils te donneront quoi que ce soit ! »
« Et alors, tu crois peut-être que je vais tous les jours discuter avec les vampires pour leur demander comment ils construisent leur société de merde ?! »
« Tu les insultes, mais tu veux quand même leur donner ton fils ?!! Tu n'es qu'un... »
« La ferme, sale garce, qui a voulu un enfant ici ?! C'est toi, moi j'en voulais pas de ce môme. Il sert à rien, comme toi, vous êtes tous les deux des boulets ! Vous pourriez bien crever que je verserais pas une larme ! »
Une porte qui claque et un silence de mort qui s'installe. En 18 ans de vie, Nathaniel n'avait jamais vu ses parents se disputer ainsi. Mais peut-être était-ce tout simplement qu'il n'était jamais présent quand les portes se mettaient à claquer et les cris à fuser. Sa mère était recroquevillé sur le sol, en larmes. La prenant dans ses bras et la serrant très fort, le jeune tenta de faire de son mieux pour pouvoir la consoler. C'était la première fois qu'il la voyait dans cet état et il n'aimait pas ça du tout.
« Ne pleure pas, maman, demain c'est ton anniversaire, non ? C'est un jour spécial, il faut que tu souries. Je t'achèterais même un cadeau, j'ai un peu d'argent !. »
Sa mère secoua la tête, souriant tristement à la tentative maladroite de la consoler.
« Non, ce n'est rien mon chéri, garde ton argent pour t'offrir quelque chose. »
Et il crût en ce sourire qu'elle lui adressa.
Le lendemain et malgré les paroles maternelles, Nath était partie avec tout son argent, 90 lires en tout. Il se souvenait parfaitement avoir entendut sa mère déclarer qu'elle voudrait remanger de la viande un jour, quand leurs moyens le permettraient. Ce jour n'était toujours pas arrivé, mais pour la consoler et fêter dignement son anniversaire. L'adolescent avait acheté une tranche de viande, une seule pas plus, mais destiné uniquement à sa chère maman.
Entrant et se déchaussant, le jeune humain déclara :
« Maman, tu es là . Devine ce que j'ai... »
Ses pupiles se dilatèrent devant le spectacle qui se jouait lentement devant lui.
La viande chuta de ses mains tremblantes pour atterrir dans un bruit morbide sur le sol.
Poupée de chiffon.
Marionnette humaine a un seul fil qui dansait dans les airs.
Et le son, le son de la corde à moitié pourrie qui crissait lentement en frottant contre le bois d'une poutre dégoûtant. Une musique macabre, une musique de requiem, de cimetière...
Un cri à vous briser résonnèrent dans l'appartement miteux, uniquement, aiguë, désespéré...
Quelqu'un qui se précipite, qui libère de sa corde la poupée humaine, deux corps qui chutent au sol. Une morte, un vivant.
« Maman ! Réveille-toi ! Respire ! Respire ! »
La mélodie du souffle s'était envolée.
« Mais tu vas respirer, bordel ?!!! »
Les lèvres roses étaient bleues.
Le désespoir est le suicide du coeur.
À peine la mort de sa mère disparut, Nathaniel disparut à son tour. Son père le chercha, mais il était justement celui que le blond ne voulait plus jamais voir. Parce qu'il avait tué sa mère, il avait assassiné à coups de parole l'être qui comptait le plus pour lui. Le jeune garçon voulait le voir souffrir, il voulait le faire enrager, il voulait tant le détruire. Mais il ne savait que faire ou que dire, alors il se contenta de s'enfuir.
Et c'est un jour pluvieux, alors qu'il tomba misérablement de fatigue dans une flaque boueuse que la réponse lui sauta à la gorge. Il porta ses mains sales à son visage, puis à sa gorge.
....il ne pourra jamais rêver meilleure vie que celle d'un favori et peut-être pourrons-nous en tirer une petite compensation...Faisant demi-tour, l'adolescent profita de l'absence de son géniteur pour se laver, prendre quelques affaires et sortir sans se retourner.
Il quittait pour la dernière fois cet appartement, qui finalement ne renfermait que peu de souvenir heureux. car, il l'avait bien compris, le visage de sa mère, il ne l'avait jamais vraiment vu. Il n'avait vu que le masque qu'elle avait peint pour lui.
Sur la table basse fendue, trônait un petit mot à l'adresse de cette personne qu'il détestait tant, deux mots uniques y étaient notés :
« Exotic Paradise »
Nathaniel ne lui céderait rien.
Il le ferait crever de jalousie.
C'est ce que sa mère voulait, n'est-ce pas ?
Elle serait sûrement heureuse...
Pauvre fou...
Et la Sirène pleura des larme de l'âme.
° Famille : Il a encore son père, mais pour lui c'est comme s'il n'en avait en réalité jamais eu. Seule sa mère décédée compte encore pour lui.