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 Narcisse [Fini]

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Narcisse

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Narcisse

Messages : 75


Narcisse [Fini] Vide
MessageSujet: Narcisse [Fini]   Narcisse [Fini] EmptyJeu 28 Juil - 22:18

₪ MON IDENTITÉ ₪

 
° Nom : ///
° Prénom : Narcisse
° Surnom : « Trouillard », « Princesse »

° Date de naissance : Né le 24 Septembre 2517
° Age : 24 Ans

° Statut : Novice – se fait discret dans les mares de Last Eden, solitaire apeuré.

° Sexualité : Vraisemblablement sous le charme de son ami de toujours, un homme, mais a déjà eu des expériences avec des femmes. N'a pas vraiment de préférence à ce niveau.

₪ MA PHOTOGÉNIE ₪


° Corpulence : Maigre, sa grande silhouette se plie. De terreur, de honte parfois, de froid lorsque le temps est capricieux. Quasiment squelettique, Narcisse a toujours eu la peau sur les os. Peut-être qu'il n'aimait pas manger. Peut-être que c'est à cause des gènes. Peut-être. Doté d'une masse musculaire assez peu développée, malgré sa grande taille, Narcisse est loin d'être intimidant. Une grande perche. Voilà ce qu'il est. Peu large d'épaule, Narcisse a de longues jambes, un corps filiforme sans formes – normal, il reste un homme, après tout. Ombre tremblotante. Même si Narcisse est grand, il se tient souvent courbé, replié sur lui-même. Pour se protéger. Peut-être. Lui-même ne sait pas. Ses doigts longs et fins courent sur ses bras maigres, et il se plie en deux dans un coin de Last Eden. Chut. Ne pas bouger. Se faire oublier.

° Allure : Brisé par la vie. Narcisse ne sourit pas beaucoup, en tout cas, pas lorsqu'il est seul. Un air peu avenant sur le visage, les sourcils froncés pour ne pas qu'on l'approche. Ses dents trop pointues pour être véritables humaines claquent dans le vide, et il enfonce les mains dans ses poches pour vite s'enfuir dans les ombres. La silhouette courbée, il essaye de se fondre dans la masse. Pour ne pas qu'on le regarde. Pour ne pas qu'on lui fasse peur. Pourtant, malgré ses efforts, il n'y parvient pas totalement. Ses cheveux, trop longs, trop gris, presque blancs. Sa peau de porcelaine. Son regard argenté, brillant. Des diamants dans les yeux. Contre son gré, il n'a pas été doté d'un physique banal.
Tant pis. Il compense. Il compense en pliant son corps trop maigre, de façon à paraître plus petit. Il marche vite, les bras le long du corps, dans une démarche presque fuyante. Ses cheveux argentés lui reviennent dans le visage à cause du vent. Il baisse la tête, son regard fuyant les gens, et ses doigts viennent dégager son visage trop fin pour un homme. Vous le regardez. Ses lèvres se pincent doucement dans une grimace un peu gênée, quelque peu agacée et à la fois effrayée. Il n'aime pas qu'on le regarde, Narcisse, alors il se plie un peu plus, courbant sa longue colonne vertébrale pour presque se rouler en boule. Ses longues jambes le portent vite loin de votre regard. Il s'enfuit.
Une marque blanchâtre, trop propre pour ressembler à une véritable blessure. Une cicatrice. Sur le bas de son ventre, pas très loin de son nombril. Son ventre, il n'aime pas trop le montrer. Il le cache. Il cache cette blessure, encore douloureuse, fine marque épurée. Elle lui déchire les tripes. Il se plie en deux. De douleur, cette fois. Ne pas regarder son ventre. Ne pas le regarder. Le pauvre Narcisse aura juste envie de fuir.

° Goûts vestimentaires : Narcisse se soucie bien peu de sa façon de s'habiller, surtout depuis qu'il est arrivé à Last Eden. Il n'est pas très excentrique dans ses choix, préférant de loin les couleurs pâles et sombres aux couleurs vives et acérées. Ça se fondra mieux dans la masse. Ça sautera moins à l'œil. Un tee-shirt blanc, un jean usé tout gris... Ce genre de choses. Narcisse apprécie peu les vêtements moulants, qui font ressortir encore plus sa maigreur naturelle. Il privilégiera les tee-shirts amples, les sweats trop grands, toutes ces choses-là... Banal. Courant. C'est le genre de vêtements que tout le monde porte, le genre de vêtements qui le rendront un peu plus invisible. Les occasions spéciales ne changent rien. Il s'habille toujours de la même manière, évitant de trop se mettre ne valeur. Les bijoux et les trucs trop clinquants, très peu pour lui. Il n'y a jamais de fioritures dans les tenues de Narcisse, si ce n'est quelques rares motifs sur ses tee-shirts.

° Mutations : Narcisse se transforme en requin. Ses yeux autrefois azurés se sont décolorés pour devenir gris, rappelant la couleur des écailles de ces squales. Ses cheveux également, se sont éclaircis, bien qu'ils étaient déjà gris avant. L'eau glisse effroyablement bien sur sa peau, et Narcisse ressent le besoin de s'hydrater bien plus souvent qu'un humain normal. Certains endroits de son corps sont devenus plus rugueux, comme la peau d'un requin, et l'on peut même s'y écorcher, si on s'y frotte trop. Très craintif à cause de ça, Narcisse évite de toucher les gens. Ses dents, et particulièrement ses canines, se sont affûtées, le faisant parfois ressembler à un vampire. Il a développé la capacité de pouvoir déboîter et remettre en place sa mâchoire assez facilement, et le fait parfois lorsqu'il s'ennuie. Arrivé il y a peu de temps à Last Eden, ses transformations restent assez primaires, mais il sait que forcément, il finira par ne plus du tout être humain.
En ce qui concerne les transformations invisibles physiquement, Narcisse a incroyablement développé son flair. Il y a une odeur en particulier qu'il est capable de flairer très facilement, c'est le sang. La moindre particule d'hémoglobine, d'albumine, si elle proche, il peut la sentir. Il arrive presque à sentir cela dans l'eau, aussi. Sa vision ne s'est pas détériorée mais il est devenu daltonien, et a donc à présent une autre perception des couleurs. Il sait parfaitement nager, instinctivement, le sang coulant dans ses veines lui dictant comment faire. Capable également de rester plus longtemps sous l'eau, il apprécie énormément de se baigner. Dans l'eau, il se senti bien. Mieux. Moins étouffé. Moins effrayé. Narcisse s'est mis à adorer les steaks saignants et le poisson, mais ça, c'est juste un détail.

Narcisse est un prédateur, maintenant. Narcisse reste seul. Personne n'aime les prédateurs.

₪ RAPPORT DE PSYCHOLOGIE ₪


° Généralité : Narcisse est effroyablement timide avec les gens qu'il ne connaît pas. Craintif, peureux, il se sauve souvent avant que vous ne lui adressiez la parole. Il se cachera souvent derrière une attitude agressive pour masquer sa peur, Narcisse se sentant à l'aise avec très peu de personnes. La plupart du temps, les gens extravertis, bruyants et exubérants ne le mettent pas en confiance, lui qui préfère se faire discret et tout petit. Le squale préfère ne pas trop approcher les autres, la proximité des gens le rendent nerveux. Peureux. Effrayé. Tout le temps effrayé. Assez névrosé de nature, un rien peut le faire paniquer.

Lorsque Narcisse se trouve avec une personne qu'il connaît bien, un ami proche, il se sent plus à l'aise. Se débarrassant alors de son étonnante timidité, il peut enfin agir normalement, pouvant parfois aller jusqu'à plaisanter bruyamment, taquiner ou bien se prendre la tête, parfois. Toutefois, que ce soit avec un inconnu ou une connaissance, Narcisse a une façon bien franche de parler, ne connaissant pas vraiment le langage soutenu. Enfant des quartiers pauvres, il n'a jamais fréquenté la haute société.

Narcisse peut très vite se vexer. Il vit toujours ses sentiments à deux cent pour cent. Il arrive qu'un rien l'agace, qu'un autre rien le blesse... Avec l'instabilité d'une femme enceinte, ses sentiments vont et viennent, variant continuellement. Il peut un jour vous aimer, avant de finalement trouver une raison de vous détester. Il peut parfois se montrer cruel, tentant régulièrement de se trouver un compagnon pour oublier ses soucis...

° Aime : Narcisse apprécie de se baigner, les lacs d'eau pure de Last Eden. Très solitaire, que ce soit ou non contre son gré, il a fini par apprécier les petites choses simples de la vie. Un bon repas. Le soleil qui brille. Le vent qui souffle sur son visage.

Déteste : Adoptant peu à peu une mentalité de rebelle, Narcisse en est venu à haïr les miliciens, Aanor et les Anciens. En particulier les vampires, qu'il juge trop dangereux. Trop inhumains.

° Sociabilité : Énormément variable. Très timide, le jeune homme engage rarement la conversation. Trop craintif pour ça, il attend plutôt que les gens viennent vers lui. Quand il se sent trop seul, parfois, il prend sur lui et se mêle aux autres, pour oublier quelques instants sa solitude. Malgré tout, il reste assez sauvage, et demeure mystérieux, évitant d'en dire trop sur lui et son passé. D'ailleurs, il déteste évoquer ses souvenirs, qu'ils soient bons ou mauvais.

₪ TITRE RANDOM ₪



Papa et Maman Requin Tués lorsque Narcisse était enfant.
Mère femme au foyer.
Père milicien.
Narcisse [Fini] IconParentsNarcisse [Fini] IconParents2

Copain Requin Pryam.
Meilleur ami de Narcisse.
Milicien.
Ne sait pas ce qu'il est advenu de lui
Narcisse [Fini] Smoke

Amoureux Requin Nathanaël.
Ami d'enfance de Narcisse.
Ne l'a jamais revu depuis qu'il a
atterri à Aanor
Narcisse [Fini] 105697238

Vous pouvez jouer Nathanaël, si ça vous plaît. Il vous suffit d'envoyer votre candidature, vous recevrez une réponse sous 8 mois.
Plus sérieusement, MPez-moi. Ou allez voir ici


₪ POUVOIRS ₪


° Votre Pouvoir : "Sunday Bloody Sunday " - Maîtrise du sang, je sais c'est weird.
Narcisse ayant du flair pour trouver du sang, il a découvert qu'il était capable de le contrôler.
- - - Utilisation force Minimale : Coagulation - Narcisse peut accélérer ou bien même synthétiquement créer le processus de coagulation du sang. Il peut donc facilement stopper une hémorragie, ou faire ralentir la circulation du sang, que ce soit sur une plaire ouverte ou à l'intérieur des veines.
- - -Utilisation force Moyenne : Hémorragie - Le squale est capable de créer ou amplifier une hémorragie, interne ou externe. Il peut ainsi vider quelqu'un de son sang, plus ou moins rapidement.
- - -Utilisation force Maximale : Ne s'est pas encore manifesté.

₪ DERRIÈRE L'ÉCRAN ₪


* Votre présence sur le forum sera : Régulière. Probablement. Étant donné que je ne me sers quasiment pas de mes autres comptes, je ne crains pas d'avoir du retard dans mes Rps.
* Votre avis sur le forum : Il est beau, joli et agréable.
* Autre forum fréquenté : Mph, Solius. D'autres forums, aussi...
* Niveau de jeu : Quarante-deux. Plus sérieusement, je joue Aleksander, si vous voulez tout savoir.


Dernière édition par Narcisse le Ven 29 Juil - 15:52, édité 5 fois
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Narcisse

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Narcisse

Messages : 75


Narcisse [Fini] Vide
MessageSujet: Re: Narcisse [Fini]   Narcisse [Fini] EmptyJeu 28 Juil - 22:21

Vivre, espérer et mourir.

Il fait noir. Tout est calme.

Je suis mort.
…..................

Tout a commencé ce jour-là. C'est mon ami qui a parlé, moi, j'avais jamais rien dit. On était à la terrasse d'un café, et là, des miliciens sont arrivés. Contrôle de routine. J'avais un peu flippé, parce que ce jour-là, j'étais en possession d'une arme. Et puis, tout le monde le sait, c'est pas autorisé, les armes en civils. Je stressais comme pas possible, la tasse de café entre mes main se vidant peu à peu de son contenu, tant je tremblais. Là-dessus, mon ami, il en a rajouté. Il voulait pas partir alors que les miliciens s'approchaient dangereusement. Je le connaissais depuis longtemps – depuis qu'on était gosses, on a grandi ensemble. Il avait toujours été incroyablement insolent, ne ratant pas la moindre occasion de se mettre en danger. Je ne pouvais pas compter le nombre de fois où il a failli me faire faire une crise cardiaque. Bref, ce jour-là non plus, il ne changeait pas, et comme je lui savais un petit côté extrémiste rebelle, j'ai flippé sa mère. Les miliciens, ils s'étaient approchés, et là, il leur dit « Mort aux Anciens ! ». Il a couru, je l'ai suivi, les miliciens à notre cul.

Ah, j'étais pas bien, moi. On s'était arrêtés plus loin, alors qu'on avait semés les miliciens, j'étais plié en deux par l'angoisse qui me brûlait la poitrine. J'avais toujours été comme ça. Un peu névrosé, jamais très courageux, toujours apeuré. Mon ami riait, et ça m'avait agacé. Nathanaël, mon pote de toujours, un collègue, un type un peu paumé, comme moi. J'avais posé mes mains sur mon estomac, avant de me mettre à recracher mes tripes, sous l'effet d'une surdose d'adrénaline.

Ça, c'était moi. Narcisse. A l'époque, j'étais juste un pauvre con.

Et je m'aimais.
…..................

« Nat', putain, qu'est-ce que t'as foutu ?! »

Je me redresse en fulminant, le drap du lit glissant sur mes hanches trop fines. Attrapant au passage les vêtements qui gisaient sur le sol de la chambre, je m'engouffre dans la salle de bain. Le soleil était déjà haut dans le ciel et je venais tout juste d'émerger d'un sommeil d'environ une dizaine d'heures. Autant dire que j'avais déjà trop dormi. Me rinçant le visage avec toute l'énergie que me fournit ma rage, j'attrape une serviette vieillie pour me sécher, avant de m'habiller en quelques secondes à peine. Boutonnant ma chemise, je débarque dans la cuisine, les sourcils joint dans une expression de pure colère. Encore une fois, je lui avais trop fait confiance. Lui piquant sa tartine, je mords dedans en attendant ses explication.

« Quoi ?, Réplique t-il avec tout le flegme dont il est naturellement capable. Ce qui ne fait qu'accroître mon agacement.

T'as cassé mon réveil, enflure ! J'ai raté mon entretien, j'devais trouver un job !, Je réponds en grognant comme un chien en colère.

C'pas grave, t'en auras d'autres, des entretiens...

Ça fait le troisième, connard ! Comment on va vivre ? On a b'soin d'fric ! »

C'est toujours comme ça. Je crois qu'on adore ça. S'engueuler. On le fait tout le temps, à peine levé le matin jusqu'à ce qu'on se couche le soir. On vit ensemble, oui. Parce que j'ai pas d'argent, je me suis incrusté chez Nathanaël. Je cherche un travail, sans succès. Nathanaël, il traîne tout le temps dehors, j'sais pas trop ce qu'il fait, mais il revient toujours avec des billets. Des fois même, ça me fait peur. J'ai toujours été peureux, moi. Depuis que je suis petit, je me suis toujours réfugié dans le dos de Nathanël. J'en ai pris l'habitude. Je suis trop con.

Je hais cette partie-là de moi-même.

« J'ai du fric, moi », Il dit en me tirant les cheveux.

Je couine brusquement en tentant de récupérer ma magnifique chevelure argentée. Je déteste quand il fait ça. Il dit qu'il s'ennuie, et il me tire les cheveux. Il dit qu'il est de bonne humeur, et il me tire les cheveux. Il dit qu'il est énervé, et il me tire les cheveux. Je crois qu'en fait, il les aime bien, mes cheveux – mais il ne veut pas l'avouer. Il lâche mes cheveux et il me sourit. Merde. Je suis con, je suis nul, je suis faible. Je le pardonne aussitôt.

Je déteste savoir que je l'apprécie à ce point. Ça me fait peur.
Poule mouillée.

Je me laisse tomber sur une chaise, à côté de Nathanaël. Merde, encore une fois, je rate un truc important dans ma vie. C'est pas la première fois que je laisse passer un boulot. Au fond, j'ai toujours été un loser. J'ai pas une mentalité de gagnant, j'ai le courage d'une huître amputée, j'ai la force d'un gosse de six ans. … Je suis trop nul. Le café est amer, au fond de ma gorge. J'ai pas le moral. J'ai jamais le moral, quand je pense à ça. Si ça se trouve, sans Nathanaël, je serais même plus là. Et ça me fait peur. J'ai peur, de penser que je suis totalement dépendant de lui. Parce que j'ai besoin de lui, mais lui... Ah. Que de pensées malsaines. Je préfère ne pas trop m'en soucier. Ça me fait trop mal. Je déteste vraiment quand je suis comme ça.

« Tu fais quoi, aujourd'hui, Narcisse ?

Pas grand-chose, Je réponds en haussant les épaules, Je suppose que je devrais encore trouver du boulot... Bon sang, quelle merde.

Ça t'dit de venir avec moi, cet aprèm' ?

Quoi ? Tu veux parler de tes trucs de... heum... rebelles ? Ah non, sans façon, je veux éviter au possible de traîner dans ces affaires pas nettes ! Ça va t'attirer des ennuis, Nat'. Tu ferais mieux d'arrêter. Sérieux, mec.

T'en fais pas pour moi. Je suis plus fort que j'en ai l'air. »

Je pince les lèvres, peu convaincu. Et voilà que je m'inquiète encore. C'est toujours comme ça avec lui. Je m'inquiète encore. Je m'inquiète toujours. Des fois, c'est insupportable. Le savoir en danger, le savoir traînant dans des affaires illégales, ça me fait flipper. Mais lui, il s'en fout, ça ne lui fait sûrement rien de savoir que j'ai peur pour lui. Il m'énerve. A croire qu'il fait exprès de se montrer aussi insouciant. C'est mauvais pour ma santé, de m'inquiéter autant. Un caillot de sang va finir par apparaître, si je continue de stresser comme ça.

« Nan, mais putain... Tu pourrais m'écouter, parfois. J'aime pas ces trucs louches que tu fabriques toute la journée.

C'est des réunions pour organiser la rébellion.

Mais bordel ! Tu te rends compte de ce que tu dis ?! Si on t'entendait... C'est illégal ! Si on s'en rend compte, tu gagnes un aller direct pour Aanor ! C'est vraiment ce que tu veux ?

Personne ne s'en rendra compte. »

Et voilà. Fin de la discussion. Il suffit de quelques mots, c'est magique. Moi, j'ose pas aller plus loin. J'ai trop peur. Trop peur que ça aille trop loin, trop peur qu'on nous entende, trop peur tout court. Je reste con et Nathanaël s'en va. Je le regarde bêtement claquer la porte. Il sait. Il sait que j'ai pas assez de couilles pour le dénoncer. Il sait qu'on est trop amis pour que je dise quoi que ce quoi. Tout cela, il le sait, et il en profite. Et moi... Moi je subis. Bêtement. Tout seul, sans boulot, ne foutant rien de mes journées. Je ne suis qu'un parasite. Parfois, je me demande si un jour, il n'en aura pas trop marre. Marre que je vive à ses crochet, marre de ma grande gueule, marre de mon courage à deux balles.

Je ne suis qu'un trouillard.

Ça faisait deux semaines, depuis l'incident du café avec les miliciens. Avant ces deux semaines, Nathanaël n'allait pas à ces réunions douteuses, et je crois qu'il dealait diverses substances dans les quartiers. Je l'avais toujours su. Qu'un jour, il deviendrait comme ça. Quand on était enfants, on s'amusait à dire qu'on prendrait le pouvoir et on faisait genre on avait des flingues avec des bouts de bois. On était pas sérieux. C'était des rêves de gosses, les humains au pouvoir, le monde plus beau que jamais. C'était juste des rêves. Last Eden, le paradis perdu, qui deviendrait notre paradis à nous. Plus jamais les crocs des vampires plantés dans nos corps chauds. Toujours, le sourire aux lèvres, le bonheur, l'espoir, l'ardeur d'une nouvelle ère. On était cons, hein. Nathanaël, il y avait toujours cru, à ces rêves. Moi, j'ai grandi, j'ai oublié, j'ai arrêté d'espérer. Trouillard comme jamais, je pensais que c'était impossible. Je me suis dit 'tant pis', et j'ai cherché d'autres rêves. Un boulot, une vie rangée, une p'tite femme et basta.

Je hais cette partie-là de moi-même. Trouillarde, se voilant la face, faible, peureuse, inconsciente.
Je ne fais rien pour changer. Je reste con.

Vous savez pourquoi j'avais une arme, deux semaines auparavant ? Ce jour-là, je sais pas ce qui m'a pris. J'étais énervé, j'étais haineux et secoué par une rage sans nom. Mes parents ont été tués par un con, et justement, j'avais retrouvé ce con. Il vivait dans les bas quartiers, alors j'ai fouillé dans les affaires de Nathanaël, et j'ai trouvé ce flingue. J'avais vraiment envie de laisser parler ma colère, et je suis descendu dans les quartiers pauvres, le flingue caché sous ma veste. J'étais prêt à le tuer, ce type. Mais non. J'en ai pas eu le courage, et mon doigt s'est bloqué sur la gâchette. Je suis resté deux longues minutes, le canon pointé sur la tête de cet homme, tremblant de partout. Je le haïssait. J'avais vraiment envie de le voir crever. Mais j'étais – et je suis toujours – un peureux. Et finalement, je suis parti. Sans tuer personne. Je crois que quelque chose s'est brisé en moi. J'ai appelé Nathanaël, je lui ai tout dit, et il m'a demandé de le rejoindre dans ce café. On s'est rien dit. On est restés silencieux. Je me sentais mieux. Peut-être. Puis les miliciens sont arrivés...

Je me lève, je vide le reste de mon café dans l'évier tout émaillé. Nat' et moi, on vit dans un appartement un peu pourri, mais c'est mieux que rien. Je reste un instant debout, à réfléchir. J'ai besoin de prendre une douche. Je retourne dans la salle de bain, je me déshabille. Qu'est-ce que je vais faire, aujourd'hui ? Comme d'habitude ? Errer à la recherche d'un travail, sans jamais rien trouver ? Je me regarde dans le miroir. Je suis trop maigre, trop grand pour ma corpulence, trop pâle, trop osseux. Je ne me suis jamais vraiment trouvé beau. Un jour, Nathanaël m'a raconté l'histoire d'un type, Narcisse, qui tombait amoureux de son reflet. … Ça risque pas d'arriver pour moi. Je me glisse sous la douche. L'eau est froide.

Je tremble. De froid.
…..................

« Narcisse, tu sais, il m'inspire pas confiance, ton ami...

Nathanaël ? Oh, euh... T'inquiète, c'est un gentil garçon, au fond... »

Je parle avec Pryam. Pryam, un pote lui aussi, un apprenti milicien. Mon meilleur ami. J'étais con, moi, et je pensais que de son côté, je représentais la même chose pour lui. Moi, je ne faisais qu'aimer, toujours, tout le temps, sans jamais m'en lasser. Aimer et détester. Bref, on parle, parce qu'on s'est croisés 'par hasard' dans la rue. Nathanaël n'aime pas Pryam, et Pryam n'aime pas Nathanaël. Bref, Nathanaël n'aime pas qu'on se voie, Pryam et moi, alors officieusement, on se donne rendez-vous, pour parler et se taper des trips, comme on le faisait avant que Pryam ne devienne milicien. On est comme des gosses qui se voient sans l'accord de leur parents, parce que de son côté, Pryam échappe quelques instants à l'autorité de ses supérieurs. C'est bon, ça. L'excitation d'aller à l'encontre des règles, sans toutefois se mettre trop en danger. Je reste un lâche.

Pryam, il est gentil avec moi. J'aime bien lui raconter ma vie de merde et me plaindre, il me réconforte toujours. Pryam, des fois, il est tellement gentil que ça me fait mal. Je suis con. Il y a ces pensées, qui finissent toujours par revenir... Pourquoi Nathanaël n'est pas comme ça, lui ? Pourquoi ça ? Pourquoi pas ça ? Je suis nul, trop nul. Je ne veux pas aimer, mais je n'arrive pas à me retenir. Aimer, ça fait mal, alors je dois faire au moins attention à ne pas trop aimer... Elles me font chier, ces pensées. Trucs de gonzesse. Je fume une clope pour oublier. Je bois un verre et je salue Pryam. Voilà. Ma vie. Mon ennuyeuse vie. Loin de ces rebelles, loin de tout, loin de tout ce qui pourrait me mettre en danger. Moi qui ait toujours peur de tout, je me blottis dans ma lâcheté.

J'en ai honte ? Oui. Peut-être. Je ne sais pas.
J'ai peur, en tout cas.

Je rentre. Chez moi. Chez Nathanaël. Chez nous. Ce 'nous', sans vouloir l'avouer, je le désirais tant. Je me mens à moi-même. Amis d'enfance. Voilà ce que nous sommes. Rien de plus, rien de moins. Je peux m'en contenter, hein. Au moins, on vit ensemble. C'est déjà bien. Et moi, la pauvre baltringue que je suis, je n'oserai jamais tenter quelque chose. Je me contente de me contenter, voilà. Et sans jamais vouloir véritablement avouer que je désire bien plus qu'être un simple ami d'enfance. Je crains, vraiment. Je m'aime, pourtant. Je m'aime, moi et ma peur, ma lâcheté, mon amour-propre et mes rêves factices. Pauvre con, jeune comme tout, ignorant dans son monde se violence. Pauvre inconscient qui ferme les yeux face aux massacres. Des rêves, des rêves... J'en avais, avant. Avant. Tout cela, c'était avant. J'attends de voir à quoi ressemble mon 'après', alors que Nathanaël, il le construit lui-même, son 'après'.

Le vent souffle et je suis en tee-shirt. J'ai froid, je frissonne. Mes cheveux m'arrivent dans la gueule, je secoue bêtement la tête. Pourquoi je ne les coupe pas ? Pour vous savez qui. Et je me dégoûte. Je sais qu'il ne dirait rien, si je me coupais les cheveux, mais il n'en penserait pas moins. Alors je ne le fais pas, parce que... Parce que... Enfin bref. Je suis nul. Les escaliers grincent et craquent sous mes pieds, une fois arrivé, je vais m'étaler sur le canapé. Nathanaël, comme prévu... N'est pas là. C'est rare qu'il arrive avant moi, et moi, j'arrive toujours tôt. Avant que le soleil ne se couche, parce que j'ai peur de tomber sur un vampire. Ça ne m'est jamais arrivé, mais on sait jamais. J'ai très rarement vu de vampires dans ma vie. J'en ai croisé, de très loin. On m'a toujours raconté des histoires flippantes sur ces créatures-là, et les vampires ont fini par rejoindre la très longue liste des choses dont j'ai le plus peur.

La chose dont j'ai le plus peur.... La seconde chose dont j'ai le plus peur, c'est de mourir. Pas très étonnant, pour un humain. La mort a toujours été une source de mystère et de questions, et finalement, personne ne sait vraiment ce que c'est. Alors ça me fait peur. L'inconnu me fait peur. Je me suis toujours tenu de façon à éviter le danger. Me cacher dans le dos de Nathanaël quand on croise des types louches. Prendre le trottoir d'en face pour ne pas être trop proche d'une bande de voyous. Se boucher les oreilles quand mon ami tient des propos insultant les Anciens. Fermer les yeux, tout simplement. Toutes ces petites choses, c'est pour me protéger. Je suis égoïste. Je fais passer ma sécurité avant celle des autres. Peut-être même que je serais capable de donner la vie de quelqu'un pour conserver la mienne.

Vingt trois heures cinquante neuf. Ah. Mes yeux restent fixés sur la vieille montre de Nathanaël. Il a dû l'oublier ici. Les chiffres digitaux brillent dans le noir. Les secondes s'écoulent dans ma main. Trois, deux, un... Minuit précise. Quelqu'un pense à moi. Oui, un truc stupide. Quand les chiffres des heures et des minutes sont les mêmes, ça veut dire que quelqu'un pense à moi. 00H00. Quelqu'un pense à moi. Je ne vous cache pas que j'aimerais que ce soit Nat'. D'ailleurs, il n'est toujours pas là, ce con. Je commence à m'inquiéter. Dehors, il fait déjà nuit. Les vampires rôdent. J'allume la lumière, et je retourne me poser sur le canapé en allumant une cigarette. Je ne dois pas m'inquiéter. La cigarette se consume dans les airs, incroyablement rapidement. La fumée s'envole vers le plafond, vers l'ampoule qui grésille et clignote. J'écrase le mégot sur la vieille table basse. Minuit vingt-trois. Je ne dois pas m'inquiéter.

Neuf minutes plus tard, j'entends le bruit de la poignée qui s'abaisse.

« Tu dors pas ?, Qu'il me demande Nathanaël, tout pimpant – en vérité, il a l'air un peu blasé, comme d'habitude.

Je t'attendais... », Je réponds bêtement, fixant mes pieds.

Je le sens s'approcher. Ah non. Non, non, non ! J'aime pas ça. Je vais encore succomber. Le pardonner d'être aussi mystérieux, distant et tardif. Je ne veux pas ça, moi. Je sens la chaleur de son corps s'approcher. Dans mon dos, il glisse une main dans mes cheveux. Non. Ne te montre pas aussi doux. Ne sois pas gentil avec moi. Je déteste ça.

« Tu devrais aller te coucher... T'as l'air crevé. »

Évidemment que je suis crevé ! J'ai passé trois heures à t'attendre, connard ! Je plisse légèrement les yeux, partagé entre l'envie de lui rouler une pelle et celle de lui mettre une claque. Finalement, je ne fais rien de tout ça. Je me lève. Je vais me coucher. Je suis trop nul. Je laisse mes vêtement par terre, je m'étale sur le lit. Le grand lit. L'appart' est trop petit pour deux lits. Je vous laisse deviner la suite. Nat' et moi, on dort dans le même lit. On ne fait que dormir. Rien de plus. Des fois, c'est dur, et j'arrive pas à fermer les yeux. Sentir son corps si proche, sans rien pouvoir tenter. Vouloir le caresser et... Et merde ! Je dois arrêter de penser à ça ! Je m'enfouis sous les bras, je ferme les yeux. Je l'entends venir. J'entends ses vêtements tomber sur le plancher. Merde ! Je ne dois pas le regarder. Je me sens brûlant, et je me roule en boule. Je le sens s'installer à côté de moi. Les yeux violemment fermés, je tente de me calmer.

« Bonne nuit... »

Je ne réponds pas. Cette nuit encore, je pourrai pas dormir.

Malgré tout, le lendemain, j'émerge d'un profond sommeil. J'ai dû veiller jusqu'à trois-quatre heures du mat'. Il est huit heures trente. Feuck. Je suis fatigué. Je me traîne jusqu'à la salle de bain. Nathanaël est là, beau comme un dieu. L'eau de sa douche coule encore sur son torse magnifiquement sculpté, et les gouttes finissent leur course au niveau de la serviette posée sur ses hanches, cachant une partie de son corps que j'aimerais admirer. Ses cheveux bruns humides, son teint halé. Merde. J'ai une érection. Je me penche en avant, plié en deux, avant de tomber à genoux.

« Narcisse ?

J'ai... J'ai un peu mal au ventre, c'tout... », Je gémis en calmant mon ardeur de mâle par ma seule volonté mentale.

Je vous l'avoue, je me suis déjà touché en pensant à lui. Je pensais que ça me calmerait. Je pensais que mon amour pour lui serait un peu étouffé. Je pensais que ça me permettrait de passer à autre chose. Je me trompais. Je me trompe toujours. Je suis con, je l'ai déjà dit. Soufflant méthodiquement, je finis par retrouver un peu de sérénité, alors que Nathanaël me contemple, moi, sur le sol poussiéreux, dans toute ma sublime connerie monumentale. Je m'aime, pourtant. Son sourire est incroyable, et il me fait de l'effet même alors qu'il se fout de ma gueule. Haaa... Me redressant un peu, je pars dans un rire gras, me forçant à paraître le plus naturel possible. Loser. Je dois sourire. Ne pas me trahir.

« C-ça va déjà mieux...

Hey, mec, t'es sûr ? T'es un peu pâle, quand même... »

Non, merde, ne m'approche pas, enfoiré ! Pas dans cette tenue ! Ah putain. Je le vois, la serviette prête à glisser sur ses hanches, il se penche vers moi, passant sa main dans mes cheveux. Je ferme un instant les yeux, dégustant le contact de ses doigts sur mon front. Un instant seulement. Je dois rester à ma place. Je lève la main, attrapant ses doigts entre les miens, repoussant doucement Nathanaël.

« Je vais bien. »

J'ai l'air tellement sincère quand je dis ça. Je m'impressionne.
J'ai le bas-ventre en feu.

Après, parce que cette putain de journée ne fait que commencer, je m'habille et je rejoins mon coloc' dans la cuisine. Voilà. Je devine aisément ce qui va se passer. On va finir par s'engueuler. Je cherche moi-même quelque chose à reprocher à Nathanaël. Son heure tardive d'arrivée hier, peut-être ? Son beau cul à se damner ? Rah, merde... Je m'assois et je me sert un café amer. Il me regarde, je fais comme si je ne le voyais pas. Il ne me fixe pas comme d'habitude. Je finis par froncer les sourcils, un peu confus, et je relève la tête vers lui.

« Quoi ?

Tu sais pourquoi j'suis arrivé tard hier ?

Nan..., Je répond bêtement, avant de réfléchir un peu. Je tourne finalement la tête, évitant de le regarder dans les yeux. Et j'ai pas envie de le savoir.

Vraiment ? Tu...

Je veux pas le savoir, c'est tout ! J'ai pas envie d'être mêlé à tes conneries, j'te dit ! Laisse-moi en dehors de tout ça, et quand les miliciens viendront t'chercher, tu diras pas que je t'avais pas prévenu. »

Je me lève. Je fuis. Je fuis, comme toujours. Je suis un trouillard. J'ai même peur de mon ami d'enfance. J'ai peur de ses histoires de rebelles, j'ai peur de ce qu'il fait, peur de ce qu'il peut lui arriver. Même avant. Je savais qu'il devait dealer, un truc du genre. Et ça me faisait flipper. Maintenant, il doit continuer, mais en plus, il va à ses trucs bizarres, ses réunions douteuses, et je flippe encore plus. C'est bizarre. J'ai envie de m'éloigner de lui, de me mettre en sécurité, mais en même temps, je veux le garder près de moi. Là ? Je suis dans la rue. Je suis parti sans ma veste et je suis juste en tee-shirt. J'ai fui, j'ai fui, j'ai fui. Je devrais avoir honte, vous dites ? Mais je n'ai pas assez de courage ! Je ne peux pas faire face à la vérité. Elle me fait peur. Je préfère les mensonges. Les mensonges sont plus doux, ils font souffrir mais la vérité est bien plus acérée. Je préfère rester ignorant. La vérité briserait tout.

Quelle merde. Il se met à pleuvoir. Les gouttes coulent le long de mes bras nus. Je cherche un endroit où m'abriter. J'ai déjà beaucoup marché, j'ai pas réfléchi, et puis je trouve rien, alors je m'engouffre dans le métro. Il y a du monde, je m'installe sur le quai, les gens vont et viennent, le train grince sur les rails. Écoutez-moi. Je regarde autour de moi, tout est normal. Il fait jour, il n'y a pas de vampires. Le métro déverse sur le quais ses dizaines de passagers, des dizaines d'autres s'entassent dans les rames tout jutes vidées. Je reste sur le quai. Il est presque désert, maintenant. J'entends la pluie, en haut de ma tête. Elle cogne sur le sol, les toits et les vitres. Une minute. La pluie ne s'arrête pas. Je m'approche lentement du rebord. Silence total. J'ai l'impression que les rails tremblent encore du passage du métro. Pluie diluvienne, dehors. Personne à part moi, ici. Des bruits. Je me penche. Au fond du tunnel. Des voix. Je me penche encore. Là-bas, au fond, des gens.

Des gens dans les souterrains. J'suis con, peut-être, mais je suis pas bête pour autant. Peu de gens s'aventurent dans les boyaux d'Albstraum. Des rebelles. Traîtres à la nation ! Je me redresse d'un coup, je m'éloigne. Je cours, même. Je retourne dehors. Je ne veux pas les voir. Je m'éloigne du métro, malgré la pluie. Elle me fouette le visage, elle trempe mes vêtements. Je plonge mes chaussures dans les flaques. Je dois vite partir, sinon je verrai les rebelles. J'ai peur. J'ai peur d'eux. J'arrive chez Nathanaël – chez nous ? – l'air d'avoir pris une douche habillé, trempé jusqu'aux os. Mon tee-shirt me colle à la peau, il me donne l'air trop maigre. Je me déshabille dans l'entrée. J'arrive dans le salon en boxer.

Nathanaël n'est pas là. Où ? Pour combien de temps ? Combien de fois encore ?
Je suis faible.

Je devrais trouver un boulot. Pour m'occuper. Pour gagner de l'argent. Pour faire quelque chose de ma vie. Moi, j'ai jamais rien fait de ma vie. Je l'ai toujours subie. Je suis trop faible pour me transformer en leader. Nathanaël, quand même, il est gentil. De me garder avec lui. Je l'aime bien. Plus qu'un ami, même si je ne veux pas le croire. Demain j'irai voir des agences pour me trouver un job. Demain, parce que aujourd'hui il pleut. Je suis toujours en sous-vêtements et je vais dans la salle de bain pour trouver une serviette. Me sécher. Je traîne des pieds jusqu'à la chambre.

« Narcisse ?

OH PUTAIN !, Je couine en faisant un bond d'un mètre, Tu m'as fait vachement peur !

J'ai vu ça..., Il ricane en se redressant dans le lit, Déjà rentré de balade ? »

Il y a ses yeux sur mon corps presque nu. Je tire une gueule de deux mètres de long. Nathanaël est bien là, lascif, à moitié allongé sur le lit défait. J'ai envie de lui sauter dessus. Mais je n'en fait rien. Je ramasse un tas de vêtements par terre – une chance sur deux pour qu'ils soient à moi – et je tente de cacher ma quasi-nudité, je ne sais même pas pourquoi. Il sourit. Non, pire que ça. Il ricane. Je rougis légèrement.

« Tu t'es fais tremper par la pluie ?, Il demande en me matant allègrement. Je frissonne immanquablement. Rien que son regard me fait de l'effet.

Sans blague ? T'as remarqué ça tout seul ? Bravo, Je réplique sur un ton ironique.

Mh... »

Je m'habille. Son regard me brûle le dos. J'ai chaud, j'ai trop chaud. Mes cheveux encore humide gouttent sur le plancher poussiéreux. J'entends le bruit des draps qui bougent. Non. Ne t'approche pas. Les pas de Nathanaël sur le plancher. Je tremble. Ses doigts glissent dans mon dos, le long de ma colonne vertébrale. Je frémis, ma peau se réchauffant sous son toucher, et je finis par me reculer brusquement. M'éclaircissant la gorge, j'enfile un tee-shirt, en le regardant, un peu gêné. J'ai tellement envie de lui que ça me donne la nausée. Non, Narcisse réveille-toi, c'est quoi ces pensées ?! Tu ne l'aimes pas. Tu ne peux pas l'aimer à ce point.

« Qu'est-ce que t'as ?, Je finis par demander, fronçant légèrement les sourcils, T'es bizarre...

Hier, je... Nous étions dans les souterrains. Des miliciens sont arrivés, et... On a couru – je le regarde avec des yeux ronds, bien trop apeuré par ce que je crains d'entendre – On a pas fait assez attention... Ils en ont attrapé deux d'entre nous. J'entendais leur hurlements. Je les entendais hurler, Narcisse, et j'ai rien fait.

Oh, je... », Je balbutie.

C'était ce que je ne voulais pas entendre. Je ne peux rien faire d'autre que de le fixer bêtement avec un regard désolé. Il baisse la tête, une main sur son front, et c'est la première fois que je le vois dans cet état. J'ai peur. Putain, j'ai peur. J'ai peur parce que des amis à lui se sont fait choper. J'ai peur parce que ça aurait pu lui arriver. J'ai peur parce que malgré tout, je ne peux pas m'empêcher d'être heureux de l'avoir en face de moi. Je ne veux pas que les miliciens l'arrêtent. Je le veux à jamais pour moi. Aujourd'hui, je suis quasiment sûr d'être la seule personne au monde la plus proche de lui. Je glisse une main dans son dos, peut-être pour le consoler. Non, regardez-moi, je suis horrible. C'est juste pour le toucher.

« Nathanaël... »

Je n'ai même pas le cœur de lui dire que 'je l'avais prévenu'. Pitié ? Peut-être. Amour ? Je ne veux pas le croire ! Je le hais, de me le laisser une occasion pareille d'être aussi proche. Pourquoi tu me laisses ces espoirs, connard ?! Je le prends dans mes bras. Profiteur, profiteur... Je sais très bien ce que vous pensez ! Mais je ne pouvais pas faire autrement. Il me serre contre lui, lui aussi. J'en viens même à lui mentir. Ça va aller, que je lui dis doucement. Je suis un enfoiré de menteur.

Les autres rebelles peuvent crever. Laissez Nathanaël en vie. Juste lui.
Le lendemain, il a fait comme si rien ne s'était passé, et même si j'ai cru le haïr, je me suis rendu compte que je l'aimais encore plus.

Nathanaël, aussi cruel que moi...


C'est le matin. Il me parle comme d'habitude. Autant dire qu'il me crie dessus. Sa raison, aujourd'hui, c'est que j'ai mangé sa tartine. Je lui crie dessus en retour, et finalement, lâche que je suis, je finis par m'attaquer au point sensible. De toute façon, c'est souvent comme ça. Ça part d'un truc tout con, et on en vient à parler de choses qui n'ont aucun rapport.

« Tu veux crever comme les autres, Nat' ?! Je veux pas que tu continues tes putains de trucs de rebelles ! Je t'avais prévenu, pourtant, que tu allais avoir des ennuis ! Si tu vas trop loin, ce sera trop tard !

Narcisse. Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tais-toi avant d'en dire trop !

Non, je ne me tais pas ! Ça aurait pu t'arriver à toi, ce qui est arrivé à tes compagnons ! Tu te rends compte ?! Pourquoi tu fais ça ?!

Je le fais pour nous. Maintenant, si tu n'es pas content, retourne-donc voir ton Pryam, et va intégrer la milice, tant que t'y es. Si tu ne veux pas d'un monde meilleur, alors tu ne vaux pas mieux que les Anciens. »

Et sur ces mots, il claque la porte. Il s'en va. Encore une fois, je n'ai pas réussi à le retenir, et en plus de ça, je m'en suis pris plein la gueule. Je le fais pour nous. Nous. Ça résonne encore dans ma tête. Quel con, putain. Ces mots dans sa bouche me font mal. Nous. Il me fait espérer, peut-être. Revivre ces rêves de gosse. Celui d'un 'nous' dans un monde sans douleur. Nous. Aujourd'hui encore, quand je pense à un 'nous', je souris doucement, la gorge nouée. Nous, ça n'existe pas. Ça n'existera jamais. Pas comme je le désire, en tout cas. Ne me fais pas espérer, Nathanaël. C'est bien toi le plus cruel de nous deux. Je soupire, et ses paroles continuent de me hanter.

Un monde meilleur. Bien sûr que j'en veux un, mais... Mais merde, j'ai grandi en me soumettant aux ordres et aux lois d'Albstraum. J'ai grandi en craignant les Anciens, en les détestant, parfois. J'ai grandi en subissant tout cela. Comment croire, maintenant ? Comment trouver l'espoir ?! L'espoir, il s'en était allé, loin, très loin, quand j'ai compris que les humains ne pouvaient rien faire face aux vampires. Des insectes. On est juste des insectes. Comment trouver l'espoir ? Ces rêves, je les avais vécu à fond à l'aide de mon imagination. Je les avais désiré. Plus maintenant, et maintenant, Nat' me le reprochait.

Nathanaël, imbécile, l'espoir s'en est allé.
Ne meurs pas avec lui.

L'après-midi, comme j'ai toujours rien à faire, je vais voir Pryam. Vous savez, mon ami milicien. Un très bon pote, hein. Je me dis que je peux oublier mes soucis avec lui. On se retrouve au détour d'une rue, il a son après-midi alors on en profite pour passer plus de temps ensemble. On parle de tout. De rien. Vous savez, j'aime ça, moi. Les conversations comme ça, sans réel intérêt, ce qui me permet de ne pas avoir à choisir une position. Des trucs comme ça, sans avoir à dire que l'on est de tel ou de tel côté. On est assis sur un banc dans la rue, on discute gaiement. Je ne sais pas ce qui me prend. Je commence à orienter la conversation sur les rebelles. Pryam me dit que des miliciens vampires ont paraît-il arrêté deux humains. Il dit qu'il n'en sait pas plus, que ce sont juste des rumeurs, et que les deux humains sont probablement à Aanor, maintenant.

Je lui demande ce que les humains étaient en train de faire. Pryam me dit qu'un rassemblement aussi douteux est puni par la loi, et que de toute manière, ils avaient clairement indiqué leurs opinions politiques. Alors c'est Aanor direct. Je demande si ils ont le droit de tuer un rebelle. Si ils se montrent trop agressifs, oui. Si c'est en cas d'extrême nécessité. Je frissonne. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Nathanaël. Son tour à lui, c'est quand ?

« Si tu t'inquiètes des rebelles, ne t'en fais pas, les miliciens sont là pour les éliminer...

Haha, tant mieux... »

Je souris, mais c'est juste une grimace infâme qui déforme mes lèvres. Je n'ai pas envie qu'on fasse du mal à Nathanaël. Les autres, je m'en fous, je n'en ai rien à faire. Mais pas Nat', pas lui... C'est ma seule famille. Un de mes seuls amis. J'en crèverai, si il mourait. Et savoir ça, ça me fout les boules. La conversation dérive à nouveau. Les rebelles, on en parle plus. J'essaye d'être détendu, naturel, agréable. Je n'y arrive pas; je suis anxieux. Nerveux. Où est Nat' ? Que fait-il ? Avec qui ? Et pourquoi ? Bon sang, bon sang... Comment faire revivre l'espoir ? Je finis par prétexter un mal de tête pour rentrer chez moi. Pryam me salue, ma tapote gentiment l'épaule en me souhaitant de bien me reposer. Ça me réchauffe le cœur. J'ai souhaité que Nathanaël se comporte aussi gentiment avec moi.

Je traîne dans les rues. Le vent souffle, et il fait un peu froid. Les nuages s'amoncellent dans le ciel. Je rêve d'un monde beau comme jamais. Je rêve de la nature, d'un endroit où le temps s'arrête. Je rêve de Last Eden. C'est là-bas, que je l'imaginais, notre 'nous'. Notre avenir. Là où les vampires ne viendraient pas nous mordre. Là où la pluie ne nous mouillerait pas. Ce serait un beau monde, n'est-ce pas ? Je n'y croyais pas trop. J'espérais à peine. Mais tout de même... J'espérais. Tout comme Nat' rêvait de renverser le pouvoir, moi, je supportais ce monde en rêvant de ce que je ne connaîtrais jamais.

Les quartiers pauvres sont tristes. Ici, il me semble que le ciel est un peu plus gris, que la pluie tombe un peu plus souvent. De là où on est, on peut voir le grand Palais dominer tout Albstraum. Dictature. Moi non plus, j'aime pas trop notre vie. Moi aussi, j'aimerais devenir un rebelle, me battre pour accéder à un autre monde. Mais il y a un problème. Je suis trop peureux. Mourir ? Ça m'effraie. Je suis lâche, n'est-ce pas ? Je désire sans rien faire pour. Nathanaël a raison. Je ne vaux pas mieux que les Anciens. Je me contente d'attendre. De me laisser porter par le courant. Un jour, un requin m'attrapera par la jambe pour m'emmener vers le fond avant de me dévorer. Voilà. C'est tout ce que je mérite.

Qu'est-ce que je vais lui dire, moi, à Nathanaël ? On va encore continuer à faire semblant ? Je ne le supporte plus. Je ne supporte plus ses continuelles sorties, son absence, ma peur qu'il lui arrive quelque chose. Je ne supporte plus tout ça. J'ai peur, j'ai tellement peur. Alors oui... Faire semblant. C'est bien, parce qu'on se voile la face. Si on était rancuniers, on s'entendrait jamais. Mais bon... Faire semblant devient lassant. J'aimerais qu'il me dise clairement ce qu'il en est, à propos de ses rassemblements de rebelles. J'aimerais qu'il me dise clairement pourquoi il fait ça. Pour qui ? Comment ? Et pour combien de temps ? Tant de questions. Aucune réponse. Je tourne au coin de la rue, et devant l'immeuble, un brun que je ne connais que trop bien. Nathanaël. Il se lève en m'apercevant au loin. Il ne me sourit pas. Mon visage se fige.

« T'étais où ?, Il me demande, un peu agressif.

Je me promenais.

Avec qui ? - Je détourne le regard sans répondre, et il m'attrape par l'épaule – avec qui ?!

Un ami, je vois pas en quoi ça te regarde ! De toute façon, toi non plus tu ne me dis rien, sur les gens avec qui tu traînes.... »

Il soupire, secouant la tête, l'air affligé. Je me ratatine un peu plus. Il est jaloux ? J'aimerais qu'il le soit. Vous savez, moi qui aime en me mentant à moi-même, je ne peux qu'espérer ce genre de choses. Sa jalousie. Son intérêt. Est-il jaloux ? Pensait-il à moi ? Moi, je pensais à lui. Je pense tout le temps à lui. Ça me donne envie de vomir.

« Tu te fous de moi, Narcisse ? J'essaye souvent de t'en parler. Tu ne veux pas m'écouter. Tu ne fais que fuir ! Je pensais que tu voulais toi aussi vivre dans un monde meilleur ! Tu n'es qu'un lâche, une baltringue !

Je... Mais j...

Tu as peur ? Mais on a tous peur. Ne te cherche pas d'excuses, Narcisse. »

Mes lèvres se pincent. Je ne dis rien. Je ne sais pas quoi dire. Il a raison. Il a tout à fait raison. Je suis pathétique. Mais que puis-je faire ? Lui dire que j'ai tout le temps peur pour lui ? M'avouer à moi-même que je l'aime bien plus qu'un simple ami ? Bon sang, bon sang... Comment trouver l'espoir ? Nathanaël me reproche ma lâcheté. Ma peur. Mes fuites. Voilà, maintenant, je récolte ce que j'ai semé. Je sais que je ne pourrais pas fuir éternellement. Mais... Je pensais que j'aurais pu vivre 'tranquille' plus longtemps. Que faire, maintenant ? Se battre ? Gagner ? Rejoindre les rebelles ? Moi, Narcisse, le pauvre type névrosé ? J'arrive à peine à parler à un inconnu dans la rue. Et je rejoindrais un clan pour me battre contre les Anciens ?! La bonne blague !

… En vérité, je serais capable de rejoindre les rebelles. Mais pour ça...
Pour ça....

« Narcisse. Viens avec nous. »

T'es un vrai con, Nathanaël. Profiter ainsi de ma faiblesse. Tu es au courant, dis-moi ? Non. Tu ne dois sûrement pas savoir. Tu ne sais pas que je t'aime autant. Je suis capable de t'écouter, de te suivre, si tu me le demandes comme ça. Je suis nul, je suis faible. Pourquoi tu m'as fait ça ?! Salaud. Je ne peux pas refuser. Tout est fini. J'ai si peur. Pourquoi me prendre par les sentiments, Nathanaël ? Je vivais bien, moi. D'accord, c'était pas toujours confortable, mais... On était heureux, non ? Moi j'étais heureux, en tout cas. Tu ne l'étais pas, toi, Nathanaël ? Ne me tend pas cette main. J'ai la nausée. Je suis effrayé. Et cette main, qui attend juste que je la saisisse. Nathanaël, si c'est toi, alors... Je ne peux pas refuser.

Je lui prends la main. Et maintenant ? Comment trouver l'espoir ?
Ma vie tranquille et rangée disparaît soudain.
L'avenir s'estompe et j'ai si peur.

Mais la main de Nathanaël est dans la mienne, et pauvre imbécile que je suis, je souris.

[...]
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Narcisse

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Narcisse [Fini] Vide
MessageSujet: Re: Narcisse [Fini]   Narcisse [Fini] EmptyVen 29 Juil - 14:10

Ha. Mes poumons me brûlent. On court. Des miliciens sont à nos trousses. Des humains. Nathanaël me crie de courir encore plus vite. Je serre les dents et je fais de mon mieux. Je n'ai jamais été très sportif. C'est dur pour moi. Cent fois par jour je me demande ce qu'il m'a pris de rejoindre les rebelles. Le clan se rejoint régulièrement dans les souterrains des quartiers pauvres, et régulièrement également, ne me demandez pas pourquoi, on se fait poursuivre par des miliciens. Quand le bastion des rebelles décide de se regrouper, on discute de stratégies pour attaquer le pouvoir, on réfléchit à toutes sortes d'attentats, ce genre de choses, vous voyez... Je n'écoute jamais vraiment. Je suis plus là pour... décorer. Je ne sers pas à grand-chose, de toute façon.

Les autres rebelles, ils sont gentils. Ils sont gentils, mais je les déteste. Je les hais tous. Je hais tout le monde. Je viens tout juste d'intégrer le groupe, et j'en veux à tout le monde sans vraiment le montrer. J'en veux à Nathanaël. Je m'en veux. J'en veux aux autres. Un rien me met en colère, je ne le supporte pas. C'est dur. Ma vie vient de changer, de prendre un tout autre tournant, et ça me touche bien plus que je ne l'aurais cru. Cette peur permanente qui faisait partie de moi a empiré. Les miliciens nous poursuivent. Mon cœur me fait mal dans ma poitrine.

Haine. Peur. Colère. Dégoût. Crainte.

Vous voyez, ce n'est pas aussi facile que je l'aurais cru. On vit à cent à l'heure. On court. On tourne encore et encore, on s'engouffre dans quelques souterrains, et on finit par semer nos poursuivants. Ma gorge est sèche, je cherche frénétiquement mon souffle. Mon estomac me fait mal. Les autres rebelles se félicitent d'avoir réussi une telle fuite. Je reste un peu à l'écart, plié en deux, regrettant avec dégoût ma vie d'avant. Je crois que Nathanaël a deviné. Que je regrette. Je fais de mon mieux pour le cacher. Mais j'ai fait ça pour lui. C'est pour ça que je continue de supporter cette dure vie. On a... On a quitté notre vie d'avant. Totalement. Derrière nous, l'appart'. Derrière nous, la belle vie. Derrière nous tout cela. Ça fait trois jours et je ne m'en soucie pas vraiment, mais après cette course-poursuite digne des plus grands films d'action, je réalise.

Je ne pourrais plus jamais voir Pryam.
Pryam, mon ami, mon meilleur pote.

Haletant encore, je me recroqueville. J'ai envie de pleurer. Il fallait que je choisisse. Lui ou Nathanaël. Mais... Mais égoïste que je suis, j'aurais voulu garder les deux. Ma respiration se calme, je sens une main se glisser dans mes cheveux. Nathanaël. Il me demande si ça va. Je le déteste de plus en plus, quand il se comporte comme ça avec moi. Aussi gentiment. Je ne dis pas que je suis masochiste et que j'aimerais qu'il me fasse mal, mais ces lueurs d'espoir qu'il me fait entrevoir me lacèrent le cœur. Je sais pas si il en est conscient. Sûrement pas. J'ai si mal. J'ai si peur. Et je ne trouve toujours pas l'espoir. Les rebelles sont des êtres stupides qui rêvent d'un monde imaginaire.

Je pense souvent ça, et je me dis que je suis comme eux. Car au fond, j'ai les mêmes idéaux. Le camp est plutôt confortable. C'est aussi bien que notre ancien appartement. Mais là, je ne suis plus seul avec Nathanaël. Nathanaël, vous savez, il a toujours été charismatique. Il s'entend bien avec tout le monde. Je le vois rire et parler avec d'autres gens. Des femmes, parfois. J'ai l'impression qu'il m'appartient de moins en moins. Il y a quelques semaines, j'aurais mis ma main à couper que je suis la personne la plus proche de lui. Je n'en suis plus si sûr. Ça me fait mal. J'ai peur qu'il s'éloigne trop. Souvent, quand on est pas sortis pour faire nos conneries de rebelles, on est au camp, et là, on arrive presque à être heureux. Je me mets souvent à l'écart. Pour rester seul.

Je vis très mal, en réalité.
Je hais les rebelles.
Je hais les souterrains.
Je hais Nathanaël. Je le hais d'être aussi aimable.

Les rebelles, ils racontent souvent plein d'histoires. A propos de miliciens, de vampires... Le mot d'ordre ici, c'est mort aux vampires. Il n'y a que des humains ici. Je vous avoue, j'ai rarement vu un vampire de près. Je suis donc d'accord avec eux sur ce point. Mort aux vampires. Des fois, dans leurs histoires, ils parlent de Last Eden. Le paradis perdu. Ils disent que ce monde existe vraiment, et quand je les entends, j'espère un peu plus. Ça me réchauffe le cœur. Peut-être qu'un jour...

Peut-être...

« Narcisse, qu'est-ce que tu fais dans ton coin ? Viens avec nous, on mange.

J'ai pas très faim..., Je lui réponds.

Qu'est-ce que tu racontes ? T'es trop maigre. Mange un peu, sinon je t'y oblige ! », Il s'esclaffe en me tâtant le ventre.

Merde alors. Il me fait toujours autant d'effet quand il me touche. On dort dans la même tente, mais pas dans le même lit. Ça me manque. Mais de toute façon, lui, il devait s'en foutre. Il doit même être content, de ne plus avoir à partager son lit avec un autre homme. Ici, il y a plein de belles femmes, il doit sûrement... Non. Je ne veux pas y penser. J'ai l'estomac noué, mais malgré tout, je suis docilement Nathanaël pour me remplir le ventre. C'est juste parce que c'est lui qui me l'a demandé. … Je suis pathétique. Vous ne trouvez pas ? Je suis si faible.

Pryam me manque. Terriblement. C'était mon meilleur ami, après tout, et même si on ne se voyait pas souvent, je l'aimais beaucoup. Oui, je parle au passé. C'est terminé, maintenant que je suis un rebelle. Je me rappelle encore de notre dernière conversation... Est-ce qu'il serait capable de m'arrêter, si jamais c'était lui qui nous poursuivait ? Est-ce qu'il serait sans pitié ? Est-ce que notre amitié ne serait plus qu'un souvenir, ou même encore moins ? J'ai si peur quand je pense à ça. Tout le monde parle joyeusement. Je reste muet.

Et les jours passent. Écœurante routine.

« Mon père était un milicien. », Je dis un jour alors qu'on est tous rassemblés autour d'un bon repas.

Ça jette un froid sur absolument toute l'assemblée. Je ne mens pas, en plus. Mais bon, pour le peu de temps que j'ai connu mon père... Je n'ai jamais compris, pourquoi il avait été tué. Et là, je me dis que l'homme qui a assassiné mes parents... C'était peut-être un rebelle. C'est fort possible. Co... Comme c'est hilarant ! Vous ne riez pas ? Vous ne trouvez pas ça absolument ridicule, comme coïncidence ? J'ai fini par rejoindre les alliés de celui qui a tué mes parents.

Les gens reprennent leur conversation avec nervosité. Je me lève et je pars. Je m'éloigne. Je pars m'enfermer dans la tente, pour changer. Nathanaël me rejoint. Il est furieux. Ça me fait mal.

« Merde, Narcisse, qu'est-ce qu'il t'a pris ?!

Nat', écoute-moi... Je ne supporte plus cette putain de vie. Désolé, mais je ne suis pas comme toi. Je n'arrive pas à espérer. J'ai juste envie de me laisser crever dans un coin. On... C'est vain, tout c'qu'on fait. »

Nathanaël lève la main et me donne une claque magistrale. J'ouvre des yeux ronds, la surprise m'empêche d'avoir mal. Je déglutis avec difficulté, il me prend par le col. Il me secoue un peu, je geins légèrement.

« Pourquoi tu dis ça ?! T'étais d'accord avec moi, pourtant... Pour une nouvelle vie.

C'est parce que... »

Parce que c'était toi, qui m'a demandé de vous rejoindre. Je ne peux pas lui dire ça. Je serai ridicule. Je soupire en baissant les yeux. Je suis trop nul. J'aurais dû laisser un milicien m'attraper pour que j'aille moisir à Aanor, au moins, j'aurais pas eu à supporter son regard blessé. On dirait qu'il se sent trahi. Mais non. Je ne le trahirai jamais, moi. Parce que je... Non. Je ne dois pas me l'avouer ou c'est terminé.

Il s'en va. Je le regarde partir sans rien dire.

Depuis ma réplique fort utile, les gens commencent à avoir des doutes. Sur ma sincérité. Sur la raison de ma présence ici. La seule raison pour laquelle ils ne me chassent pas, c'est parce que c'est Nathanaël qui m'a amené ici. Nathanaël, tout le monde l'aime bien. C'est pas comme moi... Peu de gens me parlent, surtout depuis qu'ils ont commencé à se douter si j'étais vraiment un rebelle. Et comme je ne vais pas vers les gens... Je reste seul. Nathanaël est souvent de sortie, je ne viens pas avec lui. Il sort avec d'autres rebelles plutôt expérimentés, qui ne se feront pas choper bêtement par les miliciens. Vous savez, je... Je suis jaloux. C'est con, hein ? D'être jaloux pour si peu. Mais je le suis. Et je déteste cette partie-là de moi-même.

Dans les souterrains, j'ai peu à peu perdu la notion du temps. En voyant que je n'étais qu'un type maigrelet et plutôt faiblard, les rebelles ont eu tôt fait de me virer des expéditions, alors je reste dans le camp. Je ne sais pas si il fait jour dehors. Si il fait nuit. Si c'est l'après-midi. Je profite d'un moment d'inattention de la part des autres – et ce n'est pas compliqué, je suis quasiment invisible – pour m'éclipser. Je sors des souterrains. Comme c'est bon, de sentir le vent souffler sur mon visage ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point... Je profite un instant du plein air, le soleil brille. La lumière me brûle la rétine, moi qui me suis habitué aux lumières des bougies et des lampes torche. C'est si agréable. Je marche le visage au vent, doucement.

Tout seul, dans la rue, je ne pense pas que je ressemble véritablement à un rebelle, surtout avec mon physique. J'en profite. Le monde d'en haut me fait du bien. Je crois que je suis vraiment pas fait pour être un rebelle. La douce brise, les rayons du soleil qui réchauffent ma peau, tout est parfait. Si parfait que c'en est grisant. Et exalté, totalement béat, je ne vois pas l'heure tourner. Le soir arrive bien plus vite que je ne l'aurais cru. Il fait presque nuit. Je m'en aperçois, et cela me sort aussitôt de ma rêverie. Je dois rentrer ! J'ai peur. J'accélère le pas, méfiant, à l'affût, de peur d'être attaqué par un vampire. C'est bien connu, les vampires arrivent avec la nuit. Il fait sombre. Je cours. Les souterrains ne sont pas très loin. Une main ferme se saisit de mon bras, et je couine, surpris, choqué.

« Nathanaël ?!, Je gémis en n'ayant, je crois, jamais été aussi content de le voir. Il est avec les autres, et fronce légèrement les sourcils.

Qu'est-ce que tu fais là ? On doit vite rentrer. »

Il prend ma main dans la sienne. C'est con. Je suis heureux. Je rougis légèrement. Ce n'est pas le moment. On marche d'un pas rapide vers les souterrains. Vers chez nous. Nous, les rebelles. Mais tout se passe si vite. Je lâche la main de Nathanaël. Quelque chose m'attrape. Sans que je ne comprenne quoi que ce soit, je me retrouve plaqué à un corps froid, et un grognement résonne près de mes oreilles. Ah. Je vois Nathanaël et les autres se braquer soudainement, et ma gorge me pique. Je mets un temps à comprendre que le vampire qui vient de m'attraper a planté ses crocs dans mon cou. La chaleur quitte mon corps d'un coup.

Alors je vais mourir ? C'est trop nul.
Au moins, j'aurais tenu sa main juste avant. C'est con, mais je suis heureux.

Des coups de feu résonnent dans la rue, mais je les entends de loin. J'ai l'impression que mon esprit a quitté mon corps. Je ne sens plus rien, si ce n'est une vive brûlure au niveau de ma gorge. Mes yeux roulent et je ne vois plus rien. Tout est noir. Ah. Les crocs quittent ma gorge. Et puis je tombe... Donne-moi ta main Nathanaël, donne-moi ta main...

Ah. Je sens tes doigts brûlants sur ma paume.
Je suis heureux.
….................
Je suis resté faible pendant trois bons jours. Nathanaël reste à mon chevet. Je souris intérieurement. Il est vraiment à moi. Des fois, je feins de dormir pour le sentir prendre ma main. Quand je rouvre les yeux, il me lâche. Pourquoi ? Ce n'est pas si grave. J'ai juste à fermer les yeux, continuer de faire semblant. Je ne peux m'empêcher de ressentir de la joie, à le sentir si proche. Et je ne peux m'empêcher de le dire.

« Tu étais si loin de moi... Pourquoi tu m'as laissé ?, Je demande. Il reste imperturbable.

Je ne peux pas tout le temps te surveiller, Narcisse. T'as vraiment été con de sortir sans rien dire.

Pardon... »

Je baisse tristement les yeux. Ouais, je suis con. Si il prend soin de moi, c'est juste parce que c'est son devoir, en tant que membre influent du clan. Moi je ne suis rien. Je suis le petit imbécile qui s'en est allé risquer sa vie. Je suis l'abruti qu'a mis des membres du clan en danger. Le vampire a laissé deux trous dans ma gorge. Quand je marche, les gens jettent un œil lourd sur le pansement qui cache ces traces. Je les hait tous. Personne n'est venu me dire qu'ils étaient content que je sois en vie. Ils se sont jetés dans les bras de Nathanaël et des autres. Même Nathanaël ne m'a rien dit. Il s'est contenté de tenir ma main quand je dormais.

J'ai l'impression que je ne vis plus. Non, je laisse le temps passer, et maintenant, je ne sors plus. Je me mettrai trop en danger. Je mettrai les autres en danger. J'attends. J'attends que la vie passe, que Nathanaël rentre, que l'espoir se montre. La morsure du vampire m'a totalement vidé. De mon sang. De ma joie. Du peu d'espoir que j'avais. Que... Que faire ? Je ne suis plus rien. Je n'ai personne. Nathanaël... Je le veux tellement. Dois-je encore me jeter sous les crocs d'un vampire pour l'avoir à côté de moi ? Je le ferai, alors. Si c'est pour l'avoir avec moi, je le ferai.

Un jour, je n'arrive pas à dormir. Je tourne la tête. L'autre lit de camp est vide. Nathanaël n'est pas là. Est-il déjà parti ? Mais c'est encore la nuit ! Je crois... Je me lève doucement, et silencieusement, je glisse hors de la tente. Je ne sais pas où je vais... En fait, si. Je le sais. Il y a cette fille, une cruche à la belle gueule, toujours à tourner autour de Nathanaël. Je ne sais pas pourquoi. Je vais vers sa tente. On ne sait jamais... Tout le camp dort. Il ne peut pas être parti en expédition... La tente est à quelques mètres devant. Ma gorge se serre. J'entends des bruits. Je rêve ! Dites-moi que je rêve ! Je m'approche encore. Des gémissements. Des râles de plaisir. Mon cœur bat incroyablement fort dans ma poitrine. J'ai peur... J'ai peur de faire face à ce que je redoute. Je me fige à quelques centimètres de la toile de tente.

« Nat... Nathanaël... »

Je pose une main sur mon ventre et je cours. Je cours loin de la tente. Je cours loin du camp. C'était les gémissements d'une bonasse et le nom de Nathanaël. Non. Pourquoi tu me fais ça ?! Je tombe à genoux, et je me vide l'estomac. La jalousie me rend malade. Les larmes perlent aux coins de mes yeux, et toussotant, je m'essuie la commissure des lèvres. J'ai mal. Mal au ventre. Mal au cœur. Ça devait finir par arriver. Nathanaël est un homme, après tout. Ça devait finir par arriver... Il était à moi. J'étais la personne la plus proche de lui. J'ai envie de pleurer. Les sanglots montent dans ma gorge mais je les retiens. Je l'aime et je le hais. Je le hais, d'avoir osé faire ça ! Je le déteste de tout mon cœur.

C'est la première fois de ma vie que j'ai eu envie de tuer quelqu'un.
Je rêve d'égorger cette nana.

Le monde est contre moi. Il m'a privé de Pryam, et maintenant... Maintenant, Nathanaël... Ma seule famille. Nathanaël, je n'étais donc qu'un simple ami, à tes yeux ? Je reste prostré de longues minutes, recroquevillé sur moi-même, à vider mon ventre de toute ma jalousie. Après, je me sens mieux. Les gémissements résonnent encore dans ma tête. Qu'est-ce qu'il m'a pris d'aller voir ça ? Je suis con. Mais Nathanaël est cruel. Il sait très bien que je n'aime pas dormir seul. Non, pire que ça... Je n'aime pas dormir sans lui. Je veux juste sa présence. Qu'importe, si on ne dort pas dans le même lit... Je le veux juste près de moi.

Je suis vraiment trop nul.

Le lendemain, je n'ai pas du tout adressé la parole à Nathanaël. Et la vie continue. La haine me dévore. La colère et la peine m'envahissent. Chaque jour un peu plus. Je rêve de partir. Partir loin, en haut, sur la surface, ou alors encore plus loin dans le ventre d'Albstraum à la recherche de Last Eden. Mais l'espoir n'est toujours pas là. Et voilà comment je vais finir ma vie. Caché dans les souterrains, à attendre la libération qui ne viendra pas. Pessimiste ? Réaliste. Je voudrais tant avant de l'espoir, mais je n'y arrive pas. J'attends. Nathanaël me tire les cheveux. Je n'ai même pas la force de me disputer avec lui. Tant pis. Tant pis...

« Narcisse ?, Il fait alors que je le laisse me maltraiter sans rien dire.

Quoi ?, Je m'exclame, un peu trop méchamment à mon goût.

Qu'est-ce que t'as ?

Ce que j'ai ? Tu me demandes ce que j'ai ? Tu te fiches de moi ?! Nat', moi, j'en ai jamais voulu, de cette vie ! J'étais bien avec toi avant, mais cette vie-là est un cauchemar ! Je ne la supporte plus...

Quoi ? Mais on est bien ici, non ?

Haha. Ouais, parle pour toi. Tu prends du bon temps avec des filles, mais moi... Moi je...

De quoi tu parles ?

Je t'ai très bien entendu, tu sais, l'autre soir !, Je me braque en me fichant totalement qu'il devine que je suis allé l'écouter, Tu sais, j'en ai marre ! Marre de tout ça... »

Oh, je sais ce que vous vous dites. Je suis méchant. Mais Nathanaël, pour m'emmener ici, il m'a fait miroiter l'idée d'un 'nous'. Il disait que c'était pour nous, et moi, je l'ai cru. Bêtement. Mais il n'y a pas de nous. Maintes fois, je me suis demandé... Je me suis demandé si il savait comme je l'aimais. Et si il le savait ? Si il s'en était servi pour me faire venir ici ? Vous savez quoi ? Je le lui pardonnerai. Je suis trop bonne poire quand il s'agit de lui. Mais bon. Là, je suis méchant. Aigri. Je l'agresse alors qu'il n'a rien fait. Il fait ce qu'il veut de sa vie, après tout. Mais moi, ça me fait mal. J'y repense et j'ai la nausée. Nathanaël, t'es content ? Regarde ce que tu fais de moi ! Un type méchant par nature, jaloux, haineux. Regarde ce que je suis devenu. Tu es content ?

Je m'enfuis. Encore. Comme toujours.
C'est la seule chose qui n'a pas changé.

Je m'enfonce dans les souterrains, et un instant, j'espère qu'une créature des bas fonds vienne me dévorer. J'ai haï Nathanaël, mais aussitôt après, j'ai ouvert les yeux. Je me dit que je devrais arrêter de me mentir. J'en ai assez, de tout. Alors autant tout se dire. Je l'aime. Voilà, je me l'avoue correctement. Je l'aime. Je crève d'amour pour lui et ça me tue. Je l'aime depuis si longtemps. Je me hais de l'aimer. Pourquoi a t-il fallu que cela tombe sur lui ? Je n'ai jamais voulu l'aimer, moi. Bon sang, ça fait mal. Je l'aime à tel point que ça en devient invivable. Je déteste qu'il approche les autres filles, je voudrais qu'il ne regarde que moi, qu'il me touche, qu'il m'embrasse. Je suis pathétique. Je n'ose même pas le lui dire. Mais essuyer un refus, ça me détruirait, alors je préfère le garder pour moi.

Je me consume de l'intérieur. C'est si dur, et Pryam n'est pas là pour écouter mes longues plaintes. Depuis que je suis là, je ne me suis jamais plains. Je garde tout pour moi, dans un coin de ma tête, au fond de mon cœur. Je stocke tout ça, et j'oublie. J'essaye d'oublier. Il n'y a plus de place, maintenant, et le moindre soucis me donne envie de tout foutre en l'air. Mais Nathanaël est bien, ici. Et moi je veux rester avec lui. Alors je reste. Je suis nul, vraiment. Nul d'aimer un type comme lui. Et ces rêves de gosse qui le rendent encore plus désirable...

J'aime trop. Ça me détruit. Je m'en fiche, de moi, des autres, de tout. Tout ce qui compte, c'est lui. C'est Nathanaël. Si je devais mourir pour lui, alors je n'aurais pas peur. Même moi, le peureux de service, je n'aurais pas peur. Je le veux, encore, tout le temps près de moi.

C'est tellement pitoyable que j'en ris.

Je fais comme si de rien n'était. Comme si c'était comme avant avec lui, quand on se disputait pour des choses futiles et qu'on se réconciliait sans avoir à exprimer la moindre excuse. Les jours passent encore, et je continue de prendre sur moi pour vivre comme je le peux. L'ennui... Vous savez, l'ennui, c'est la haine de soi-même. Moi, j'ai fini par ne plus pouvoir me supporter ! Je me hais tellement. Quelques jours plus tard, consumé par ma détresse, mon envie de renouveau et ma colère grondante, je fais des mains et des pieds pour partir à la surface avec les autres. Pour changer. Pour casser la routine.

On est censés aller dans quelque quartier mal famé pour acheter d'autres armes et des munitions. On m'a recommandé une extrême prudence et une discrétion exemplaire. On me donne une petite arme à feu. Chargée. Au cas où, disent-ils. Ça fait un an que je n'ai pas tenu d'arme dans la main. Je frissonne. Le petit groupe remonte prudemment, et on est comme des ombres dans les rues. Le lieu du rendez-vous est à une dizaine de minutes. On est sur les nerfs. L'adrénaline du moment, j'imagine.

Vingt minutes passent. On repart tout aussi prudemment, les bras chargés d'armes. Et là, quand on met un pied hors du bâtiment, les miliciens surgissent. Des humains, puisqu'il fait jour. Tout va tellement vite. J'ai toujours l'arme dans la main, et alors que quelques uns d'entre nous entreprennent de détourner l'attention des miliciens en se battant contre eux, je me mets à courir avec le reste du groupe. Les policiers nous poursuivent. Comme d'habitude. Je tourne au coin d'une rue, on se sépare avec pour objectif de se retrouver plus tard, pour que les miliciens perdent notre trace. Je tourne encore et encore, je me perds dans les méandres des rues.

« Narcisse ?! »

Mon cœur manque un battement. Cette voix... Pryam. Je m'arrête de courir. La rue, étroite et miteuse, est totalement déserte. Pryam me rejoint, l'air ahuri. Non... Pas lui ! Pourquoi ? Il me regarde et je baisse un peu les yeux. J'ai honte. Honte, parce que j'ai trahi un ami. Mon meilleur ami. J'ai honte, parce qu'il avait confiance en moi. Et j'ai trahi sa confiance. Il n'a pas l'air en colère. Juste... Étonné. Terriblement étonné. Ses yeux semblent demander 'pourquoi ?', et j'enfonce ma tête entre mes épaules. Ne me regarde pas comme ça.

« Narcisse, mais que.... »

Il fait un pas vers moi. Je serre les dents, et dans un mouvement presque instinctif, je pointe le canon de mon arme sur lui. Ma main tremble. Ne m'approche pas, que je lui dis. Il semble encore moins comprendre. Je tremble terriblement. Le doigt crispé sur la gâchette, je fais un pas en arrière. Je réitère ma demande. Ne m'approche pas. Son regard ma transperce de part en part. Trahi. Voilà, il se sent trahi et je le vois. C'est terrible. C'est douloureux. Mais je devais choisir entre lui et Nathanaël, et le choix était fait depuis longtemps. Si je dois perdre un ami pour garder Nat' près de moi alors je le ferai. Pryam ne comprend toujours pas, et j'ai trop peur pour lui expliquer quoi que ce soit. Tous les deux immobiles dans la ruelle, on se regarde en chien de faïence.

« Dé... Désolé Pryam, c'est compliqué.

Mais t'as perdu la tête, Narcisse ?! »

Il esquisse un mouvement vers moi, je fais cliqueter l'arme et il se fige. A sa ceinture, je vois son flingue, et j'ai peur qu'il s'en saisisse. Je dois aller rejoindre les autres... Ils m'attendent ! Nathanaël. Fixé sur les mains de Pryam, je le vois doucement baisser une main vers sa ceinture. Le coup part tout seul. L'odeur de poudre ma fait tourner la tête. J'ai fermé les yeux. Je les rouvre. Pryam se tient à genoux, une main sur l'épaule et il saigne tellement. Je le regarde, hébété, et alors qu'il tente de se relever en trébuchant un peu, je tire une seconde fois. Son corps s'affaisse sur le sol. Il se vide se son sang. Je sens l'odeur métallique d'où je suis. Mon cœur bat trop vite, et les larmes montent à mes yeux.

Je l'entends gémir. Mon nom, je crois. J'entends ensuite des bruits de pas, un autre milicien qui accourt. Je tourne les talons, et je me mets à courir. De toutes mes forces. Je n'ai jamais couru aussi vite. Les larmes brouillent ma vision, mais je cours quand même. Je m'enfonce dans les souterrains, le bruit des coups de feu résonnant encore à mes oreilles. J'ai la nausée. Je continue de courir. Une fois que je sais que les miliciens ne me suivent pas, une fois que mon corps ne suit plus et m'empêche de respirer, je m'arrête. Je tombe à genoux, les poumons en feu, gémissant.

C'était mon meilleur ami.
Et je l'ai tué.

C'est ce jour que je suis devenu un rebelle. Un vrai rebelle.

L'histoire fait du bruit. C'était des rebelles, qui arrivaient lorsque je venais de tirer sur Pryam, en vérité. Il se sont assurés que le corps était bien mort. Quand il m'ont dit ça, ça m'a donné la nausée. Bref, tout le monde est impressionné. Et dire qu'on te prenait pour une demi-portion, qu'ils disent. Je déforme mes lèvres dans une vague grimace qui ressemble à un sourire. Je pleure à l'intérieur. Pryam. J'ai tué Pryam. Je l'ai tué. Et il m'a vu le tuer. Je me demande ce qu'il a dû ressentir. Et tout ce sang qui coulait sur le sol.... Ça fait deux heures que je suis rentré au camp, et je finis par m'isoler, au bord du malaise. Nathanaël me rejoint.

« J'ai... Je... J'ai tué un... Un milicien... Ils... Ils vont me retrouver, et..., Je balbutie, totalement paniqué.

Tu n'iras pas en prison, Il me dit d'une voix ferme, Il n'y avait aucun témoin.

M-mais... Et si il n'était pas complètement mort ? Si il me décrivait en disant que c'est moi qui lui ait tiré dessus ?

Tout ira bien. Fais-moi confiance. »

Te faire confiance. Bien sûr. Je ne fais que ça, moi, croire en toi. Je crois en tes belles paroles. Je ne fais que ça. Te croire, tout le temps. Je bois la moindre de tes paroles. Un peu comme si tu étais un Dieu, et moi, un pieux fidèle. Mais comment trouver l'espoir, après tout ça ?

La mort de Pryam me parut insensée un long moment. Quelque chose s'était brisé en moi. Et puis j'ai su. J'ai su que Narcisse n'existait plus, et que maintenant, j'étais un rebelle. Pryam était la seule chose qui me reliait à mon ancienne vie, et maintenant, il n'était plus là. Je venais de détruire mon ancien moi. J'essaye de trouver un sens dans les paroles de Nathanaël, une once de vérité. Tout ira bien. Tu es un bien beau menteur. J'ai tué quelqu'un. Tout va très mal.

Cette nuit, je ne dors pas. Le fantôme de Pryam me hante. Pour toujours.

Le cœur blessé, je ne comprends pas. Je ne comprends pas mes propres actes. Pourquoi l'avoir tué alors que je pouvais fuir ? Peut-être qu'au fond, j'ai désiré sa mort... J'ai désiré dire adieu à mon ancien moi. Je soupire, le regard perdu dans le vide. J'ai mal. Je n'ai jamais eu aussi mal. Je me hais plus que tout au monde. Je veux mourir.

« Tu ne dors pas ? », Me demande Nathanaël en chuchotant, alors qu'il se redresse pour aller s'asseoir à côté de moi.

Question stupide. Je ne réponds pas. Je veux me perdre dans les bras de Nathanaël pour oublier. Je ne dois pas me faire d'illusion. Ça n'arrivera jamais. Et c'est encore plus horrible parce que je sens ses doigts glisser dans mes cheveux. Je le hais quand il se montre si doux. Si tu ne veux pas de moi, alors ne sois pas gentil avec moi. Connard.

« Nathanaël... Tu pourrais me tuer ?

T'es con ou quoi ? Ça va pas, de demander une chose pareille ?

Tu crois que je suis devenu fou ? »

Pour toute réponse, il m'offre un soupir. Le monde est complètement fou. Il est violent, haineux, vengeur. C'est pour ça que j'en suis venu à tuer mon meilleur ami. C'est parce que je suis fou. Nathanaël m'a rendu fou. Les rebelles m'ont rendu fou. Voilà pourquoi. Vous aussi, vous me croyez fou ? J'ai si peur de me perdre.

« Nat', je... »

Je veux lui dire que je l'aime. Je n'y arrive pas. J'ai beau avoir tué un milicien, je reste le petit peureux que j'ai toujours été. Je veux tout lui dire. Mes lèvres restent closes. Je dois lui dire, pourtant. Mon regard coule sur son visage. Il est tellement beau. A mes yeux, il est tellement beau. Je l'aime tant. Mais j'ai peur de lui dire. Encore une fois, je garderai le secret ? On dirait bien.

« Je vais dormir. Tu peux retourner dans ton lit ? »

Je suis définitivement nul. Et ma bouche est si capricieuse. Je hais cette partie-là de moi-même. Peureuse, inavouée, tellement lâche. Je m'allonge et je ferme les yeux. Je ne dors pas. Je ne dors pas de la nuit, c'est trop dur. Et j'ai trop peur. Peur de rêver de lui. Je ne l'oublierai jamais. Pryam. Mon meilleur pote. Est-ce que j'étais un aussi bon ami, pour lui ? Est-ce qu'il m'aimait, lui aussi ? Est-ce qu'il est vraiment mort, ou alors est-ce les rebelles qui ont vu son corps gisant dans une mare de sang ont décrété qu'il avait passé l'arme à gauche ? Et si... Et si un vampire passait, alors qu'il lui reste encore une étincelle de vie ? Il serait capable de le transformer en vampire ? Je dois arrêter de me poser toutes ces questions.

Un mois passe. Je revis peu à peu. On me propose une nouvelle expédition. On a des vivres à aller chercher dans le sud des quartiers pauvres, et comme j'habitais là avant... Je connais bien les rues. Je saurais où on doit se cacher, si des miliciens arrivent. J'accepte. Je dois sortir ou je vais crever. Crever d'ennui. Crever de douleur à me souvenir de Pryam. Crever tout court. Je me prépare, on salue rapidement les quelques personnes qu'on croise, et on s'apprête à remonter à la surface. Vous attendez le 'mais' ? Le voici. Mais Nathanaël arrive, et nous interpelle. On s'arrête.

« T'étais où Nat' ?, demande l'un des hommes. Et je hais qu'on l'appelle Nat' sous mon nez. C'est moi qui l'appelle comme ça. Juste moi.

Désolé, Maria m'a pris la tête, elle voulait pas me lâcher... Vous partez où, les mecs ?

Dans le sud des quartiers pauvres... Comme on t'voyait pas, on a demandé à Narcisse de venir avec nous.

Oh, les quartiers sud. Que de souvenirs ! Laissez-moi venir. Narcisse, tu peux te reposer. Je crois que tu n'as pas beaucoup dormi, la nuit dernière. »

Voilà. Comment se faire traiter de simple remplaçant pour finalement se faire chasser. J'ai conscience de ne pas être le plus agréable des partenaires. J'ai conscience que Nathanaël est plein de charisme. Mais quand même, c'est vexant de se faire mettre à l'écart comme ça. Je soupire. Très bien. Nathanaël prend ma place. Je m'en fiche, de toute façon. Je retourne crever d'ennui sous ma tente, adressant un vague signe de la main à Nathanaël. A plus tard, connard. Laisse-moi seul dans mon coin.

Nathanaël... N'est jamais revenu.


Avec un autre homme du groupe, il se sont fait emporter par les miliciens. A Aanor. J'apprends la nouvelle, après de longues heures d'attente, et j'éclate de rire. Je veux croire à une plaisanterie. Ce n'est pas possible. Les gens ne rient pas, et à l'air grave sur leur visage, je me rend compte que c'est loin d'être une blague. Mon sourire se fige et disparaît. Non... Non ! Ça ne peux pas être vrai ! Je m'échappe. Vider mes tripes au loin. Pas Nathanaël... Pas Aanor... Non ! Non ! Non ! Il a pris ma place. Vous vous rendez compte, il a pris ma place ! Si ça avait été moi, il ne serait pas allé à Aanor. Si j'avais refusé, si j'étais parti... C'est à cause de moi. Si il est à Aanor, c'est à cause de moi.

J'ai cet affreux goût de bile au fond de la gorge. J'ai le cœur en miettes. Cette nouvelle violente m'effraie. Qu'est-ce que je vais faire, sans Nathanaël ? Je ne suis là que pour lui. Juste pour lui... Je cours dans les souterrains, au plus profond, dans les recoins les plus sombres. Sans Nathanaël, le monde s'écroule. Quand sortira t-il ? Et quand est-ce que je le reverrait ? Est-ce qu'il pense à moi ? Je pense à lui. Je ne vois pas où je marche. Je veux m'éloigner des autres rebelles. Je les déteste. Je déteste tout le monde. Ces miliciens qui ont enfermé mon amour. Cette pauvre cruche qui n'avait qu'à battre des cils pour avoir Nathanaël. Ces rebelles stupides qui luttent pour une cause perdue.

Je me hais, aussi.
J'aurais voulu prendre sa place.

Il fait tout noir. J'entends un grognement. Je me retourne, et je vois une créature grotesque se tordre devant moi, rampant sur le sol comme une araignée. Mes yeux s'écarquillent et j'esquisse un mouvement en arrière alors que le Rampant se jette sur moi. Je trébuche en arrière, et je le sens griffer mon ventre. Me redressant aussitôt, je me mets à courir aussitôt, totalement effrayé. Je l'entend gronder derrière moi, et mon ventre me brûle. Un liquide chaud coule de mon abdomen. J'ai mal. Vous savez, je ne suis pas très courageux. J'ai peur. J'ai très peur, et j'en oublie même Nathanaël. Je vois une lumière pas très loin, et j'ai l'impression que le Rampant s'est un peu éloigné.

Je continue de courir. Ce n'est pas le camp. C'est autre chose. Une lumière différente. Ma vision se trouble et je pose une main sur mon ventre. Ma main est rouge de sang. Je marche rapidement, de plus en plus essoufflé. Mes jambes tremblent, j'ai l'impression que je vais tomber à chaque pas. Je pense que je vais mourir. J'ai perdu trop de sang. Je repense à Nathanaël. Voilà où j'en suis maintenant. Je meurs d'amour.

Un jardin. J'arrive dans un jardin.
Last Eden. Je devine.

C'est con, mais ça me fait rire de mourir à l'endroit où je rêvais d'aller. Vous me trouvez drôle, vous aussi ? Je continue de traîner des pieds, et je finis par trébucher. Je tombe. Trop de sang perdu, trop faible, je finis par tomber. Voilà. Je glisse dans un lac. J'essaye de m'accrocher, mes doigts glissent sur la paroi rocailleuse. Mon sang colore l'eau en rouge, et je commence à faiblir grandement, à force de me débattre. J'avale de l'eau. Je cherche l'air. Non ! Stop ! Je ne veux plus souffrir. Levant la tête, je vois ces lumières verdâtres me regarder mourir. Ma vue s'assombrit. Il fait noir. Je ne cherche plus l'air. Tout est fini. Tout est si calme.

Je suis mort.

C'est là que je vous ai vu pour la première fois. J'ai fermé les yeux en pensant mourir, et je les ai rouvert à vos côtés. Vous, un prophète. Vous m'avez tout expliqué. Tout enseigné. Mais je reste prostré, blessé à jamais. Je pense à Nathanaël. Tout le temps. Tous les jours. Je reste seul. Enfermé à Last Eden. Je vous raconte mon histoire, mais vous, vous ne cillez pas. Je vous raconte ma haine, ma colère et ma tristesse, et vous ne me dites rien. Je veux quitter Last Eden. Y ramener Nathanaël. Je veux le revoir. Parce que je l'aime tellement. Qu'est-ce que vous en dites ? Que je ne suis plus un humain ? Que je devrais rester là ? Je ne veux pas être inhumain. Vous savez, ça me fait peur. Vous pensez que je resterai toujours plus humain qu'un vampire ? Je ne veux pas être inhumain. Qu'en penserait Nathanaël ?

Demain, j'irai encore à la surface.
Je verrai si par hasard, il n'a pas quitté Aaanor.
On ne sait jamais.

J'arrête d'écrire des histoires aussi longues, moi è___é
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Leiro Cantarelli

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Narcisse [Fini] Vide
MessageSujet: Re: Narcisse [Fini]   Narcisse [Fini] EmptyDim 31 Juil - 15:58

Je ne peux que valider une fiche aussi haletante :01 J'ai plus qu'adoré l'histoire, super réaliste ! Encore une mention à ton palmarès !

Ton total de points de Magie au démarrage : 50 pts.

Citation :
Coûts en Points de Magie du pouvoir :

Utilisation force Minimale : 20 pts de Magie.
Utilisation force Moyenne : 35 pts de Magie.
Utilisation force Optimale : ?? pts de Magie.[à voir quand tu l'auras trouvé]
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Narcisse [Fini] Vide
MessageSujet: Re: Narcisse [Fini]   Narcisse [Fini] Empty

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Narcisse [Fini]

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